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en France et en Espagne sous celui de romances, et que dans la Haute-Italie on appelle canzoni, on n’en trouve presque pas de traces en Italie hors de cette dernière région, sauf la Sicile et la Corse, où nous les avons vus se produire sous des formes particulières. À peine en rencontre-t-on quelques-uns en Lombardie et en Toscane ; presque tous appartiennent au Piémont, c’est-à-dire à la partie de la péninsule qui sert de passage aux importations étrangères. M. Tigri n’a pu trouver que trois ballades historiques d’origine toscane, encore traitent-elles des sujets d’amour, Ippolito Bondelmonte, Dianora de’ Bardi et Ginevra d’Almieri, qui a fourni le sujet de l’opéra français Guido et Ginevra.

Une autre ballade dont le sujet est essentiellement indigène, c’est la Donna Lombarda, dont M. Nigra a donné quatre versions différentes, et dont il ne serait pas éloigné de croire la composition première à peu près contemporaine de l’événement, ce qui la ferait remonter au vie siècle. C’est l’aventure tragique de Rosmonda, qui, d’après le conseil de son amant, le Grec Longin, préfet de Ravenne, sert à son époux Elmichi, complice avec elle d’un premier crime, un breuvage empoisonné, que le mari défiant la force à boire elle-même.


« Aimez-moi, dame lombarde, — aimez-moi, aimez-moi ! — « Oh ! comment voulez-vous que je fasse ? — J’ai un mari, j’ai un mari. » — « Votre mari, dame lombarde, faites-le mourir, faites-le mourir. » — « Oh ! comment voulez-vous que je fasse pour le faire mourir ? » (Nous supprimons les répétitions qui reviennent à chaque instant.) — « Je vous enseignerai une manière — de le faire mourir. — Dans le jardin, derrière la maison, — il y a un petit serpent : — prenez-en la tête, et puis broyez-la, — broyez-la bien, — et puis mettez-la dans le vin noir ; — donnez le tout à boire — à votre mari, quand il reviendra de la chasse, — bien altéré, » — « Donnez-moi du vin, dame lombarde,— j’ai soif ! — Qu’avez-vous fait, dame lombarde ? — Il est trouble. » — « C’est le vent marin de l’autre soir — qui l’a troublé. » — « Bois-le toi-même, dame lombarde, — bois-le, bois-le. » — « Oh ! comment voulez-vous que je fasse ? — Je n’ai pas soif. » — « Par la pointe de mon épée ! — tu le boiras, tu le boiras ! » — A la première goutte qu’elle boit, — la dame lombarde change de couleur ; — à la seconde goutte, — la dame lombarde appelle le confesseur ; — à la troisième goutte, — la dame lombarde appelle le fossoyeur. »


On peut encore citer une jolie canzone maritime piémontaise dont l’idée se retrouve chez nous, mais dont l’inspiration paraît originale et le refrain bien italien.


« Beau marinier de la marine, oh ! chante une chanson, chante une chanson sur la fleur des eaux ! Oh ! chante une chanson sur la fleur de la mer[1] !

  1. Pour le marin italien, il y a des fiori comme des frutti di mare.