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arrive que de l’autre côté du détroit toute chose politique se tempère et se diplomatise étrangement. Ainsi voilà une église, l’église d’Ecosse, que l’on dépouille deux fois, d’abord comme catholique, puis comme épiscopale, et avec cela on lui laisse ses dîmes ! C’est à ne pas croire. Commentées gens-là ont-ils pu décapiter Charles Ier ? Ce fut sans doute le crime de Cromwell tout seul. — Autre anomalie : on abolit un beau jour ces justices féodales d’Ecosse dont il était question tout à l’heure, on les abolit complètement, mais avec indemnité. Le souverain qui pouvait reprendre de main de maître une de ses attributions égarées, la plus inaliénable, la plus identique à lui-même, s’avise de la racheter ! tout comme il y a trois cents ans François Ier rachetait à l’abbaye de Saint-Victor les droits de justice qu’elle avait dans Paris. Je sais bien que Turgot eut un dessein tout semblable, qu’il fit écrire et courir une brochure anonyme sous ce titre : du Rachat des droits féodaux, sur quoi le duc de Nivernois paria qu’elle était d’un fou, mais non d’un fou fieffé… Un mot charmant ! Le projet de Turgot ne s’en releva pas ; mais à quelques années de là le dernier mot de cette dispute fut l’abolition pure et simple des droits féodaux.

En résumé, l’Ecosse n’en eut pas moins ce qu’il fallait de révolutions pour interrompre d’une manière plus marquée qu’en Angleterre la tradition ecclésiastique et féodale, pour y briser le moyen âge et les pouvoirs que selon ses mœurs il avait disséminés. Naturellement on n’abonde pas dans le sens de ce que l’an détruit ; c’est pourquoi l’Ecosse a plus de centralisation que l’Angleterre.

Passant à l’Irlande, nous y trouvons un gouvernement encore plus centralisé. Ce gouvernement a pour lui la force et la simplicité des ressorts, ainsi qu’il convient à l’égard d’un pays rebelle et troublé, où il n’y a pas précisément de société, mais une juxtaposition de races, de classes, de croyances ennemies, dont le bon plaisir serait de se prendre à la gorge, où les pouvoirs publics ont besoin de se tenir unis et rassemblés, non-seulement pour imposer la paix du roi, mais pour réussir à vivre, pour leur salut autant que pour leur office. En Irlande, la police est centralisée, le service des constables étant partout sous la dépendance du lord-lieutenant comme il est à la charge du gouvernement central de l’île.

L’administration des comtés est centralisée : les grands-juges, qui sont des officiers de la couronne, sont les tuteurs légaux des grands-jurys convoqués pour les affaires judiciaires et administratives du comté. Les bourgs, encore plus rares qu’en Angleterre, sont au nombre de quatre-vingts seulement. Les paroisses sont nulles, n’ayant aucune attribution, ni à l’égard des routes qui sont une charge des comtés, ni à l’égard des écoles qui sont défrayées ou subventionnées par le gouvernement du royaume-uni, ni à l’égard