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III

Nous venons de montrer quel est le bourg : avec des pouvoirs fort étendus et même excessifs en fait de police urbaine, mais avec des limites de population et de territoire fort exiguës ; ni souverain ni propriétaire, car il n’a ni la pleine disposition de ses biens, ni cette disposition des biens et de la liberté d’autrui qui s’appelle justice. Supérieur au bourg, le comté demeure le pouvoir local par excellence, à tel point que le plus grand effet d’une charte est d’ériger une localité en comté ; l’incorporation ne saurait aller plus loin et va rarement jusque-là.

S’il y a une manière de se reconnaître parmi les localités anglaises et de les classer hiérarchiquement, c’est de regarder aux attributions judiciaires. Or ces attributions, complètes et souveraines dans le comté, déclinent dans le bourg incorporé, et viennent à rien dans la paroisse.

Cette localité est de toutes la moins bien partagée. Elle n’a de pouvoir que pour ce qui regarde l’église (et encore l’église en tant qu’édifice à entretenir), le pavage, l’éclairage, les cimetières. Les paroisses sont assujetties à l’entretien des routes qui ne sont pas des routes à péage, et elles ne peuvent en construire que dans la limite d’un maximum de dépense fixé par le parlement ; à cet égard, leurs attributions ne sont que devoirs et charges. En outre elles sont assistées et même dominées partout, soit par les juges de paix, soit par les inspecteurs des pauvres. Elles rendent leurs comptes pour la dépense des routes et de l’éclairage au juge de paix. C’est encore ce magistrat qui arrête le rôle de certaines taxes paroissiales ; c’est l’inspecteur des pauvres qui en opère le recouvrement.

La paroisse n’est pas un être civil, si ce n’est dans la personne de ses marguilliers et pour le fait de l’église. Ici toutefois vient se placer un détail fort instructif et des plus inattendus. La paroisse a le droit de demander une taxe d’église, qui est immémoriale sous le nom de church rate ; mais les paroissiens ont le droit de la refuser, et voici que maintenant ils usent de ce droit, comme une race qui n’aurait pas le moindre sentiment de la tradition. « La taxe ne peut être levée lorsque la majorité du vestry refuse son vote aux propositions des marguilliers, et tel est depuis longtemps le cas dans beaucoup de paroisses[1]. » Il est même question d’interdire la demande de cet impôt dans les paroisses. Une société, liberation society, s’est formée à cette fin avec de fort mauvaises intentions,

  1. Document belge, p. 126.