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haleine. On put s’apercevoir alors que le compositeur ne possédait ni assez de souffle, ni assez de maestria dans le talent pour courir une aussi longue aventure. C’est l’opinion que M. Grisar vient de confirmer par ce nouvel ouvrage considérablement augmenté : le Joaillier de Saint-James. Composée de deux petits mouvemens, l’ouverture n’a rien de remarquable, si ce n’est qu’elle rappelle les ouvertures de M. Auber. On remarque au premier acte un joli chœur pour voix d’hommes que chantent les ouvriers de Bernard en frappant de petits coups de marteau, puis un quatuor syllabique d’un style vieillot que M. Grisar affectionne beaucoup, un agréable badinage, c’est-à-dire des couplets que M. Couderc débite avec esprit, et l’air de bravoure que chante la marquise de Richemont par l’organe mélancolique de Mlle Monrose. Au second acte se trouvent un joli chœur pour voix de femmes que chantent les suivantes et les amies de la belle marquise, un duo médiocre pour soprano et ténor entre la marquise et Bernard, qui est parvenu, grâce au gentilhomme gascon d’Esbignac, à s’introduire dans la fête où éclate la beauté de la femme qu’il aime, parée de son chef-d’œuvre qu’elle croit lui avoir été donné par d’Esbignac. Puis vient encore, avec un très joli chœur, celui des adieux que font les invités en se retirant, le finale très bruyant et très pauvre qui termine une scène de mélodrame. La stretta de ce finale, remplie d’unissons, est un hommage que M. Grisar a rendu à M. Verdi. Une espèce de rondo en duo chanté tour à tour par Tom Krick, sa fiancée, et repris par tout le chœur, une romance pour voix de ténor dans le vieux style du genre, une autre romance pour voix de femme chantée par la marquise, des couplets semi-badins et semi-larmoyans par lesquels le domestique dévoué de Bernard porte témoignage à la marquise de la vie honorable et pure de son maître, et la romance finale dans laquelle l’artiste gentilhomme exprime tout son amour à la belle marquise de Richemont, sont les morceaux qui remplissent le troisième acte. Sans attacher trop d’importance à un ouvrage qui n’est pas destiné à vivre de longs jours, on peut dire qu’il y a des choses gracieuses dans le Joaillier de Saint-James, mais que l’ensemble est faible et d’un effet monotone. On y sent l’effort d’un musicien bien doué qui a comprimé sa veine naturelle en voulant plus qu’il ne peut. L’exécution de cet ouvrage est pourtant assez soignée. M. Montaubry arrive à quelques effets d’émotion dans le rôle du joaillier, et Mlle Monrose ne manque pas d’une certaine grâce dans le personnage de la marquise, qu’elle joue avec un peu trop de contrainte et de bouderie. MM. Couderc et Sainte-Foy ont de l’entrain et du bec, l’un dans le rôle de d’Esbignac, et l’autre dans celui de Krick. Les chœurs surtout ont chanté avec justesse et beaucoup d’ensemble, ce qui est un signe de bon augure pour l’avenir du théâtre de l’Opéra-Comique.

On ne peut nier que le Théâtre-Italien ne fasse cette année beaucoup d’efforts pour varier le répertoire et compléter son personnel. Un nouveau ténor, M. Naudin, qui vient d’Italie, où il est né, dans la ville de Parme, d’une famille française, a débuté dans la Lucia de Donizetti il y a un mois,