Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des principautés de Reuss (Lobenstein et Ebersdorf), éteintes par la mort des possesseurs en 1824 et 1848 ; enfin les deux principautés de Hohenzollern, aliénées en 1849 en faveur de la Prusse en échange d’une indemnité pécuniaire et de l’admission dans la famille royale. La confédération germanique ne compte donc plus aujourd’hui que quatre villes libres (il y en avait cinquante et une au commencement du siècle), et trente et une maisons princières, dont trois s’éteignent en ce moment : Anhalt-Bernbourg, Brunswick[1] et Hesse-Hombourg. De plus l’unité des institutions a fait dans les vingt dernières années des progrès notables ; les constitutions promises ont été accordées et se sont multipliées : il dépendra de l’issue définitive de l’affaire de la Hesse de témoigner si ce mouvement uniforme doit sur quelque point encore être convaincu d’impuissance. En revanche l’union douanière, qui comprend maintenant toute l’Allemagne, excepté les états autrichiens, le Limbourg, le Holstein, le Mecklenbourg et les trois villes hanséatiques, est un énergique moyen de rapprochement, que fortifie encore la facilité des communications. Ajoutez les conventions monétaires, l’unité des poids et mesures, etc. ; on ne saurait contester à de telles réformes pratiques l’avantage d’établir entre les peuples allemands des liens étroits, tout en laissant subsister leur individualité propre. Une fois la bienveillance mutuelle et le calme rétablis entre eux, pourquoi faudrait-il désespérer de voir la constitution fédérale s’améliorer elle-même sous l’influence de quelques réformes partielles, venant consolider l’organe commun de la confédération et donnant à celle-ci plus de liberté de mouvement et plus d’initiative ?

L’Allemagne ne doit pas espérer, ce semble, de devenir jamais un état agressif. Elle a été placée au centre du continent européen, dans un poste tout défensif, pour servir de boulevard contre la pression du slavisme et de ferme attache à la civilisation moderne en présence d’une race étrangère. Son noble instinct de particularisme est la profonde racine par laquelle lui tiennent si fortement au cœur et le sentiment de la dignité humaine, et l’amour de la liberté civile, et la simplicité des mœurs. Une centralisation trop servilement conforme à certaines tendances de l’esprit moderne ne risquerait-elle pas de lui dessécher cette racine et ces fleurs ? Quel charme, on l’a remarqué bien souvent, de trouver encore aujourd’hui au-delà du Rhin, entre Berlin et Munich, entre

  1. Sur les droits éventuels de la Prusse et sur ceux du Hanovre, plus réels, à cette importante succession, voyez un Mémoire important de M. Otto Bohlmann, Berlin 1861 (Denkschrift über die prioritätischen Ansprüche Preussens). On comprend de quelle importance serait une telle acquisition pour la Prusse, qui verrait par là se relier ses possessions orientales et rhénanes.