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occasion de se manifester. Aux termes de cet article, des assemblées représentatives devaient être instituées dans chaque pays de la confédération. Dès le mois de mai 1815, le roi de Prusse avait promis à son peuple la convocation d’une pareille assemblée et la publication d’une constitution ; mais il s’en était tenu à cette double promesse sans la faire suivre d’aucun effet. Quant à l’Autriche, elle n’avait pas même formulé une promesse, et ces deux grandes puissances, dont l’union en d’autres cas semblait si difficile, montraient sur ce point une entente parfaite. Leur langage, dans l’acte même de la sainte-alliance, avait eu de quoi inquiéter les peuples sous ce rapport : rien de plus paternel ni de moins rassurant. Il parut, à la conduite ultérieure des deux gouvernemens, que les beaux principes évangéliques proclamés par cet acte solennel au nom de la sainte Trinité leur semblaient incompatibles avec les libertés publiques. La Prusse surtout commença de honnir les patriotiques espérances qui ambitionnaient pour elle-même un rôle libéral à la tête de l’Allemagne. On traita de révolutionnaires et, peu s’en faut, d’impies ceux qui parlaient d’indépendance ; le Tugend-Bund fut dissous, et les chefs du parti national disgraciés : Stein, qui eût été prêt à rentrer aux affaires, ne fut employé ni à l’intérieur, ni à la diète de Francfort ; on se débarrassa de Niebuhr en l’envoyant comme ambassadeur à Rome ; Arndt fut nommé professeur à Bonn ; Gneisenau demanda de lui-même son congé ; York enfin se retira dans ses terres. Cette réaction ne fit qu’imprimer au libéralisme un nouvel essor, auquel répondit une recrudescence de restrictions et de sévérités gouvernementales. Le grand-duc de Saxe-Weimar, le célèbre Charles-Auguste, protecteur de Goethe et de Schiller, accordant aux idées nationales un refuge assuré dans ses états, la fameuse Burschenschaft s’était fondée à Iéna le 12 juin 1815, pour se propager ensuite dans presque toute l’Allemagne. Instituée d’abord uniquement par les jeunes gens des universités pour se grouper et se discipliner ensemble, elle était devenue, grâce à leur patriotisme idéaliste, le type sur lequel ils voulaient modeler l’unité de leur patrie. Une grande fête, célébrée par eux à la Wartbourg, près d’Eisenach, le 18 octobre 1817, retentit de leurs espérances, et attira sur eux les soupçons erronés de la police prussienne. On s’y entretint dans de nombreux discours, il est, vrai, des souvenirs de la lutte soutenue pour l’indépendance, d’une renaissance de la nationalité allemande, même du peu de foi des princes allemands, qui n’exécutaient pas leurs promesses ; bien plus, après une promenade aux flambeaux, on s’avisa de dresser un bûcher où l’on brûla d’abord un certain nombre de volumes favorables à la réaction, comme l’Histoire de l’empire germanique,