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faire. Donc, de sa pleine autorité, M. Salaverria, que ce coup rendra illustre, déchire la loi de 1851, contrat bilatéral qui unissait l’Espagne à ses créanciers. Sans entrer en arrangement avec eux, il propose aux certes un nouveau règlement de la dette ; leur refusant ce qu’il leur doit, il leur offre arbitrairement à la place et comme une grâce une méchante allocation annuelle. Il est probable que M. le maréchal O’Donnell, s’il est un grand général, n’est qu’un financier médiocre, puisqu’il laisse gérer de cette façon les finances de son gouvernement. Quant à M. Salaverria, qui sur une ancienne banqueroute s’amuse ainsi à en greffer une nouvelle, que le congrès soit son juge. De pareils procédés, personne ne peut s’y tromper à Madrid, ne sont pas faits pour lever l’interdit dont est frappé le crédit espagnol dans les bourses des états où l’on a l’habitude d’attacher l’honneur et la prospérité des finances nationales à la loyale et scrupuleuse exécution des engagemens publics.

En Italie, M. Rattazzi a réussi à compléter son ministère par l’adjonction du général Durando comme ministre des affaires étrangères, de M. Conforti comme ministre de la justice, et de M. Matteucci comme ministre de l’instruction publique. Ce dernier département attendait bien le savant illustre dont les plans sur l’organisation de l’enseignement en Italie ont obtenu en Europe les suffrages des autorités les plus compétentes. M. Matteucci, qui au sénat avait joué depuis le commencement de la session un rôle prépondérant dans les questions d’instruction publique, vient de faire voter la création d’une école normale. La session s’achève. Le roi Victor-Emmanuel s’apprête à partir pour Naples. Le général Garibaldi termine sa tournée triomphale, et n’est point dupe, à ce qu’il paraît, des adulations hyperboliques dont il est accablé. Le cabinet semble vouloir profiter des loisirs que va lui assurer la dispersion des chambres pour s’appliquer à faire de l’administration sérieuse. Apaiser les troubles dans les provinces méridionales, organiser régulièrement partout les ressources du pays, la tâche est tracée ; nous espérons qu’elle sera entreprise avec bon vouloir, et nous faisons des vœux pour qu’elle soit accomplie avec succès.

La crise politique que traverse la Prusse se poursuit sans qu’il semble que l’on ait à craindre les conséquences ordinaires d’un conflit entre le pouvoir royal et la volonté nationale. La Prusse n’est point emportée par un mouvement révolutionnaire, et dans les difficultés passagères de sa politique intérieure elle n’a point à redouter le divorce de son peuple et de sa dynastie. Le roi sans doute ne peut être soupçonné d’incliner bien vivement aux idées libérales, peut-être même ne serait-il pas très éloigné des doctrines du parti de la croix ; mais il y a un heureux contre-poids à cette tendance : en admettant que le roi ne repousse point les idées du parti de la croix, il paraît que les chefs de ce parti lui sont antipathiques. Alors que ces hommes étaient au pouvoir sous le feu roi, le prince de Prusse a eu plus d’une fois à se plaindre de leurs procédés. Le roi ne leur a point