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le tort que certains ministres espagnols ont causé au crédit de leur pays. Les deux premiers marchés du monde, celui de Londres et celui de Paris, sont fermés à toute nouvelle valeur espagnole. L’exclusion donnée par les grands marchés de l’Angleterre et de la France aux affaires nouvelles de l’Espagne est une sorte d’affront dont nous ne comprenons pas que les chambres de Madrid puissent subir la continuation, si nuisible aux intérêts de leur pays. Ce n’est point à la légère et sans motifs que les corporations financières des deux premières nations de l’Europe ont mis le crédit espagnol à l’index. Elles n’avaient pas d’autre ressource pour défendre leurs compatriotes contre la mauvaise foi des ministres des finances de Madrid. Il n’a pas suffi à ces ministres de déshonorer leur pays par plusieurs banqueroutes ; ceux d’entre eux qui ont eu des pensées réparatrices ont offert à leurs créanciers des termes d’arrangement qui, transformés en lois, sont devenus la base d’un nouveau contrat entre l’Espagne et ses malheureux prêteurs, parmi lesquels figurent en quantité des capitalistes anglais et français. Or, dans l’exécution de ces nouveaux contrats, on n’a pas montré plus de probité et d’exactitude. Le ministre actuel des finances, M. Salaverria, les traite, quand il lui plaît, comme une lettre morte. Il vient de donner, il y a peu de jours, un curieux échantillon de son équité ou de sa capacité financière dans l’affaire des dettes amortissables, qui intéressent surtout les capitalistes français. En 1851, M. Bravo Murillo avait constitué sur de nouvelles bases la dette espagnole ; il avait divisé cette dette en deux catégories : l’une, la dette consolidée, qui devait porter des intérêts ; l’autre, la dette amortissable, ne portant point intérêt, mais devant être éteinte le plus promptement possible par des rachats successifs. Plusieurs sortes de ressources avaient été affectées à l’acquittement de la dette amortissable ; ces ressources, à mesure qu’elles seraient réalisées, devaient être appliquées à l’extinction de cette dette. Parmi ces ressources figurait entre autres une part d’un cinquième que l’état possédait dans les biens des communes, l’état jouissant de cette part de propriété au moyen d’une redevance annuelle tant que les communes conservaient leurs biens, ou la prélevant en capital sur l’aliénation des biens lorsque les communes viendraient à les vendre. Voilà un des gages qui étaient affectés aux porteurs de rentes amortissables, comme avec privilège de première hypothèque. Qu’est-il arrivé depuis la loi de 1851 ? Il est arrivé deux choses : d’abord, en 1855, les cortès ont décidé la vente des biens des communes ; ensuite la vente de ces biens s’est faite à des prix imprévus, magnifiques, qui ont dépassé toutes les espérances. Les porteurs de rentes amortissables ont dû croire qu’ils allaient enfin être payés. Point du tout. Le ministre des finances que s’est donné le maréchal O’Donnell, M. Salaverria, a trouvé que le résultat imprévu de la vente des propios faisait un sort trop beau aux créanciers de l’Espagne à qui ce gage avait été délégué. Jamais, suivant lui, le gouvernement espagnol n’avait entendu que ses créanciers fissent une aussi bonne af-