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Avant l’arrivée du général de Lorencez, et lorsqu’il a donné son adhésion à la convention de couleur pacifique qui a été jugée digne du blâme précipité du Moniteur, l’amiral Jurieu La Gravière n’avait à sa disposition qu’une force de dix-huit cents hommes, dont la moitié seulement était valide. La conduite diplomatique de l’affaire du Mexique a été retirée à l’amiral Jurien. Pour épargner un acte de sévérité si douloureuse envers un officier-général si distingué, il eût suffi peut-être d’apporter un peu plus d’exactitude dans les prévisions et les combinaisons primitives de l’expédition.

Les loisirs que nous fait le long silence de la chambre donnent à débattre à l’opinion des problèmes politiques qui paraîtraient fort légers en d’autres circonstances. Telle est l’incertitude qui règne à propos de l’antagonisme que le public veut voir à Rome dans les situations respectives de notre ambassadeur, M. de Lavalette, et du commandant des troupes françaises, le général de Goyon. Qui l’emportera de l’ambassadeur ou du général ? M. de Lavalette, revenu de Rome en congé, y retournera-t-il ? M. de Goyon, demeuré à Rome, sera-t-il rappelé à Paris ? Grave question, comme on voit, dernière forme sous laquelle apparaît au monde l’ambiguïté de notre politique romaine ! Les ultra-malins prétendent que M. de Lavalette retournera à Rome, que M. le général de Goyon y restera, et que tout ira comme par le passé, jusqu’à ce que la Providence veuille bien répondre à la pieuse invocation de M. Billault, et donner à notre patience la palme qu’elle mérite. Il faut bien reconnaître pourtant, puisque nous faisons une station forcée dans ce Liliiput, qu’à y regarder de très près, il y a effectivement une différence entre M. de Lavalette et M. le général de Goyon. Les tristes misères de la réaction qui siège à Rome ont dans le diplomate un spectateur narquois et mécontent, et dans le général un témoin plus indulgent et moins déluré. Telle est du moins la distinction que le public établit entre ces deux représentans de notre grande et profonde politique. L’instinct de ro’pinion nous paraissant juste en ce point, nous aimons à supposer pour l’honneur de la logique que si M. de Goyon ne revient pas ici, M. de Lavalette ne retournera pas là-bas.

Quant à ceux qui se font une idée plus haute de la consistance qui devrait appartenir à la politique française, ils doivent regretter amèrement qu’aucun organe du gouvernement ne puisse faire entendre dans nos chambres langage franc, net et sensé que lord Palmerston vient de tenir dans la chambre des communes. Ce n’est point sans douleur que nous pouvons voir les fruits des services que nous avons rendus à l’Italie compromis de gaîté de cœur par la politique, moins tenace encore qu’irrésolue, qui prolonge notre occupation de Rome, et arrête ainsi le travail d’achèvement que poursuit le peuple italien. Nous avons proclamé le principe de non-intervention dans les affaires italiennes ; nous nous sommes servis de ce principe pour opposer à l’Autriche une fin de non-recevoir pratique contre l’exécution coercitive du traité de Zurich, et nous exerçons à Rome l’intervention la