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Par ses qualités exceptionnelles, le guano, comme agent de la production du sol, mérite une attention toute spéciale ; son action énergique, qui, sur les sols sableux du Pérou, décuple et au-delà les récoltes, justifie pleinement la théorie moderne de la nutrition des plantes. Il n’est donc pas inutile d’en préciser nettement la nature et d’assigner les limites réelles de son action, parfois exagérée. Le guano, accumulé pendant une longue série de siècles sur plusieurs îles de l’Océan-Pacifique, provient de la fiente des oiseaux qui affluent en nombre immense dans ces parages. Ces oiseaux habitent au milieu des rochers du littoral et des bancs énormes formés par le guano, dans lesquels ils ont creusé d’innombrables galeries pour leur retraite et les soins de leur reproduction. Ils se nourrissent à peu près exclusivement des poissons dont ils peuvent s’emparer à la superficie des eaux de la mer. La plupart de ces oiseaux sont de l’ordre des palmipèdes (genre sula de Brisson) : ils ressemblent aux cormorans[1] ; on les désigne aussi sous les noms de morus, bobos. Remarquable d’ailleurs par la stupidité avec laquelle il se laisse prendre ou attaquer par l’homme ou les animaux, cet oiseau a mérité le nom vulgaire de fou ou de booby qu’on lui donne en anglais. À la vérité, de longues ailes, qui ont jusqu’à 1m66 d’envergure, s’opposent à ce qu’il prenne son vol ailleurs que sur des bords escarpés ou vers les sommets des rochers.

Ce n’est pas seulement la nourriture animale des boobies qui produit l’extrême richesse et l’homogénéité du guano comme engrais ; c’est encore la propriété qui leur est commune avec les divers oiseaux de rejeter mélangés ensemble les excrémens liquides et solides. Sous cette double influence, le guano est très riche en substances azotées et en phosphates. Ce qui le caractérise d’ailleurs lorsqu’il n’a pas été délayé par les eaux pluviales, c’est la présence

    que dans une seule région de la France, approvisionnée par la ville de Nantes, les quantités des principaux engrais mises à la disposition des cultivateurs par le commerce se sont élevées en 1860 à 25,424,215 kilos :

    Noir animal, résidus de raffineries amenés par la navigation 13,685,145 kil.
    Noir animal, résidus de raffineries transportés par chemins de fer. 8,078,000
    Noir animal, provenant des raffineries locales. 2,500,000
    Guano de plusieurs origines. 1,101,070
    Total dans lequel sont comprises de faibles quantités de phosphates fossiles 25,424,215 kil.


    Les engrais mixtes soumis au contrôle de l’analyse contenaient en moyenne pour 100 en poids 22 de phosphate de chaux et 2 d’azote correspondant à 13 de matière azotée, celle-ci comparable, quant à la composition élémentaire, au sang ou à la chair musculaire desséchée.

  1. Linné les avait rangés dans le genre pélican ; mais les ornithologistes modernes en ont formé le genre particulier de sula.