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et organiques qui entrent dans la composition des plantes, ni même que les engrais de différentes sortes y soient répandus en quantités plus ou moins grandes. Il faut encore que ces matériaux, soit préexistans dans la terre arable, soit ajoutés à dessein, s’y rencontrent, au moment de la végétation, dans un état tel que les solutions aqueuses ou les émanations gazéiformes qui s’en dégagent puissent s’introduire en quantité suffisante dans les organismes délicats des végétaux qu’elles sont destinées à développer.

Les animaux, dit-on, produisent des engrais de telle sorte que la fertilité du sol qu’ils habitent est en proportion de leur nombre sur une superficie donnée : si l’on entretient par exemple cent têtes de gros bétail (bœufs, vaches, chevaux) ou mille moutons dans une ferme de 100 hectares, on est bien près d’atteindre l’apogée de la culture améliorante. La conséquence est vraie, quoique les prémisses soient fausses. C’est encore là un préjugé au fond duquel une vérité se trouve, pourvu qu’on la dégage des expressions trop absolues qui l’environnent ou l’obscurcissent.

À deux points de vue parfaitement nets, les herbivores sont grands consommateurs de toute substance sécrétée dans les tissus des plantes, et non producteurs d’engrais. Dans les actes de la digestion, les principes immédiats non azotés, — sucres, fécules, matières grasses, etc., — dits alimens combustibles ou respiratoires, constituent la principale source qui entretient la chaleur animale et peut élever la température au-dessus de celle de l’air ambiant ; un certain excès de ces substances alimentaires peut s’accumuler dans les tissus adipeux et procurer l’engraissement, but ordinaire de relève des animaux de boucherie, ou subvenir aux sécrétions butyreuses et sucrées, lorsque la spéculation se dirige vers la production du lait. Quant aux principes immédiats azotés (albumine, fibrine, caséine) contenus dans cette nourriture végétale, les herbivores y trouvent les alimens plastiques qui développent leurs tissus, en même temps que leur squelette osseux s’accroît des phosphates calcaires et magnésiens. Or il est bien évident que toutes les substances organiques azotées, que ces matières minérales fixées dans le corps des animaux ou dans leur sécrétion lactée, même la quantité exhalée dans les actes de sécrétion ou de respiration, auraient pu servir à la nutrition des plantes, et sont perdues pour elles lorsque l’on exporte de la ferme, par les voies commerciales, soit les animaux de boucherie, soit les autres produits sous forme de lait ou de fromage.

Aux yeux de quiconque n’observe que ce seul résultat, les herbivores n’augmentent donc pas la somme des engrais ; ils semblent la diminuer au contraire, et l’expérience est là cependant pour démontrer que les progrès de l’agriculture reposent sur leur concours ;