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progrès réalisés tout en montrant qu’il en reste beaucoup à faire, tel a été mon but. Je ne mets pas en doute le vif désir qu’éprouve M. le ministre des finances d’attacher son nom à une réforme salutaire. Puisse-t-il réussir à diminuer les dépenses, puisse-t-il obtenir de l’unification de la dette les résultats qu’il en attend et relever le crédit en ranimant la confiance ! Mais, pour arriver à cette situation nouvelle, il aura besoin d’une ferme et persistante volonté, car, il faut bien le dire, les engagemens moraux qui ont été pris ont plus de valeur que les garanties accordées. Rien n’a gêné le gouvernement dans le passé, rien ne l’a poussé dans la voie qu’il a suivie ; toute initiative, toute impulsion sont venues de lui ; il n’a rencontré aucun obstacle et ne semble en avoir aucun à prévoir : c’est donc de lui seul que dépend le succès de toute réforme. S’il le veut, l’ordre et l’économie reparaîtront dans nos finances, sinon, il ne trouverait, pas plus que par le passé, de sauvegarde hors de lui-même.

Nos espérances ne sont pas toutefois sans fondement, et voici ce qui doit surtout les autoriser : s’il est noble de reconnaître des erreurs il y a plus de grandeur encore à chercher la contradiction qui les prévient, et tel aveu dont on s’honore ne pourrait se renouveler sans dommage et sans péril. Cette conviction ne peut être étrangère à la pensée qui, après avoir inspiré les actes de novembre 1860 et de novembre 1861, s’est manifestée de nouveau dans le discours d’ouverture de la session. Toutes les concessions qui seront reconnues nécessaires nous sont promises, à la seule condition de maintenir intactes les bases fondamentales de la constitution. Si tous les pouvoirs avaient tenu le même langage et y étaient restés fidèles, beaucoup se seraient sauvés, car ce ne sont jamais les concessions faites en temps opportun qui les ont perdus. Si Napoléon avait su vouloir en 1812 et même en 1813 ce qu’il se résigna à subir au retour de l’île d’Elbe, la France n’aurait eu ni les deux invasions ni Waterloo. Il ne put trouver en 1815, dans une nation épuisée par ses sacrifices et trop longtemps pliée sous le despotisme, l’énergie et la confiance qu’il tenta de ranimer par la promesse de la liberté. Il était trop tard. Apres ce terrible exemple, aucun gouvernement ne voudra réduire la France à ne devoir la reconnaissance de ses droits qu’au besoin de faire oublier des fautes et de réparer des désastres.


CASIMIR PERIER.