Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/974

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’appliquer aux quantités exceptionnelles de céréales ; mais il ajoute que ces quantités n’ont pas exercé une notable influence sur le résultat général. C’est dans les exportations de l’Angleterre pour la France une augmentation annuelle d’environ 200 millions, et il est probable que nous n’en resterons pas là. Avant le traité, nous vendions à l’Angleterre pour 690 millions de produits de notre sol et de notre industrie ; nous recevions d’elle pour 270 millions de matières premières et d’objets manufacturés[1]. La situation antérieure au traité est donc complètement changée.

Le gouvernement français, trouvant une excuse dans la nécessité, ne recule pas devant l’abandon d’une partie du programme économique de l’année dernière, et propose de relever le droit sur les sucres : il aurait pu, s’il avait été libre, réviser quelques-uns de nos tarifs, moins encore au point de vue des droits à percevoir que pour rendre aux ouvriers de plusieurs de nos industries le travail qui leur fait défaut. Ce n’est pas qu’il faille voir dans le traité de commerce l’unique cause du ralentissement dont souffre le travail national. Il est évident que la crise générale, les inquiétudes que donne la situation financière le renchérissement du crédit, le déficit de la récolte, les affaires d’Amérique, ont pris une grande part à ce fâcheux résultat. Il faut remarquer toutefois que, par suite du traité de commerce, nous avons reçu à la fois le coup et le contrecoup : non-seulement nos exportations pour les États-Unis se sont arrêtées, mais l’ouverture de notre marché aux produits anglais leur a permis d’y venir chercher le débouché qui leur était également fermé de l’autre côté de l’Atlantique. « Je ferai observer (nous citons encore M. Gladstone) que, dans mon opinion, c’est un bénéfice national d’un ordre non commun qu’à l’instant même où notre population ouvrière était privée de travail, elle ait été assez providentiellement favorisée pour que la mise en vigueur du nouveau tarif avec la France vînt, sinon combler ce vide, du moins en remplir plus de la moitié, car si nous avons vu notre commerce avec les États-Unis diminuer de 3 millions sterling dans le dernier trimestre de 1861, notre commerce avec la France s’est, dans le même espace de temps, accru de 2 millions sterling[2]. »

Le total des droits perçus à l’importation ne s’est élevé en 1861 qu’à 126 millions au lieu de 189 millions en 1859 ; c’est pour le trésor une perte de 63 millions, à laquelle il faut ajouter 27 millions sur le sucre indigène, ensemble 90 millions, réduits à 76 millions, si on tient compte de 14 millions de diminution dans les primes à

  1. Tableau du Commerce extérieur de la France en 1859.
  2. Discours prononcé à Leith.