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sa colère. Il a béni le catholicisme, quand il l’a vu produire des Silvio Pellico et des Maroncelli ; s’il voit reparaître chez ses docteurs la haine de la liberté, il lancera non-seulement contre eux, mais contre l’église tout entière, des imprécations terribles. Il ne ménage pas plus ses coreligionnaires. « Je suis toujours frappé, dit-il, de voir combien tout ce culte anglais est peu spontané, comme il s’attache aux paroles d’autrui, aux formes, et se détache de la vie morale. » Et ailleurs : « Je suis sorti précipitamment de l’église pour n’avoir à parler avec personne de l’indignation que le pasteur avait excitée en moi en prêchant sur les peines éternelles. Je suis déterminé à ne plus entrer dans une église anglaise, pour ne pas m’exposer à entendre de pareils blasphèmes, à ne jamais contribuer à répandre ce que les Anglais appellent leur réforme, car à côté d’elle le papisme est une religion de miséricorde et de grâce… » Philosophe chrétien et exigeant beaucoup des hommes qui prétendent représenter le christianisme, Sismondi, dans l’explosion de ses colères, semble renier parfois la religion qui l’inspire. Un jour, la gentille correspondante le croit décidément séparé de la religion du Christ, et comme elle connaît bien la beauté de son âme, comme elle est heureuse d’avoir un tel maître, un maître si bon, si charitable, si prompt à souffrir de toutes les souffrances de l’humanité, elle voudrait le ramener au christianisme ; elle le prêche indirectement, elle lui parle d’une âme qu’elle vénère, d’une âme remplie des vertus les plus hautes et à laquelle il manque seulement d’être chrétienne, ou plutôt qui est chrétienne sans le savoir, sans le vouloir. Sismondi a compris, et il répond sang hésiter :


« Je ne puis pas, mon amie, laisser passer sans la relever une citation de votre dernière lettre :

Elle a trop de vertu pour n’être pas chrétienne.


L’âme dont vous dites cela n’accepte ni l’éloge ni le reproche. J’aime à croire que le vers de Voltaire vous a entraînée, et que dans l’habitude de votre pensée vous ne refusez le nom de chrétien à aucun de ceux qui se le donnent à eux-mêmes, combien qu’ils diffèrent de vous. C’est une des conséquences de la variété infinie des formes de l’esprit humain que l’interprétation du même livre ou du même symbole réveille dans des individus divers des idées absolument différentes. Dans votre église, vous avez voulu les ramener toutes à l’unité par la soumission à une autorité vivante et toujours vigilante, et vous n’y avez pas réussi. Je connais assez de catholiques profondément religieux pour savoir que, malgré leur ferme volonté d’être unis, ils diffèrent encore dans leur foi. Je n’aurais pas besoin de sortir de chez vous pour en trouver des exemples. Dans notre église, nous avons renoncé à l’unité. Admettant le libre examen, nous savons que la foi différera autant que les intelligences. Nous admettons que la réunion dans un même