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pouvoir payer la soulte sur leurs économies antérieures, ou faute de pouvoir, même avec de grandes facilités pour les termes de versement, prélever cette soulte sur un revenu qui suffit à peine au strict nécessaire. Auprès de ceux-là, la conversion aurait eu plus de chances de réussir, si on leur avait laissé le choix entre le paiement de la soulte et une réduction d’intérêt, si par exemple, au lieu de leur demander 6 francs de soulte pour 4 fr. 50 c. de rente, on leur avait offert 4 1/4 pour 100 en 3 pour 100, ce qui revient au même lorsque le 3 pour 100 est à 72 fr. (1/4 pour 100 valant alors 6 fr.). Écartons ces deux premières catégories de rentiers, car on peut répondre que les détenteurs qui n’apprécieront pas les avantages de la conversion ou qui ne pourront pas en profiter garderont leur 4 1/2 pour 100, ou le vendront à de plus riches ou à de mieux avisés qui le convertiront. Quels sont en majorité les autres porteurs de 4 1/2, fonds essentiellement immobilisé et peu recherché des spéculateurs ? Ce sont des établissemens publics et de bienfaisance jusqu’à concurrence de 35,600,000 francs de rente, des femmes mariées sous le régime dotal, des mineurs, des possesseurs de majorats, etc. L’état pourra envers les premiers user de ses droits ou de son influence ; mais y aura-t-il beaucoup de maris, beaucoup de tuteurs, qui paieront la soulte pour leurs femmes ou pour leurs pupilles ? Très probablement la plupart aimeront mieux attendre sans se trop effrayer de la menace de remboursement suspendue sur leur tête. Une conversion obligatoire est difficile en ce moment ; elle nécessiterait un emprunt considérable, car elle ne pourrait manquer démener de nombreuses demandes de remboursement, grâce à la grande facilité et à la grande sécurité de remplois avantageux en obligations[1] ou en autres valeurs qui n’existaient pas en 1852, lors de la conversion du 5 pour 100. Une très grande hausse de ces valeurs, hausse qui pourrait seule empêcher les demandes de remboursement, n’est guère probable, car tout le monde sait que les compagnies de chemins de fer ont à émettre, dans un délai rapproché, pour plusieurs centaines de millions d’obligations. N’oublions pas que certains avantages très réels, et sur lesquels on compte pour déterminer les rentiers, sont de peu de valeur aux yeux de beaucoup d’entre eux. Celui qui vit de son revenu attache peu d’importance aux calculs d’intérêt basés sur la différence des époques d’échéance ; il touche ses dividendes, les garde, les dépense au fur et à mesure de ses besoins, et ne les place guère pour leur faire rapporter intérêt. Beaucoup de rentiers, loin d’apprécier le paiement par trimestre, regretteront

  1. 45 fr. de rentes 4 1/2 pour 100, au pair, valent 1,000 fr. ; trois obligations, au capital nominal de 1,500 fr. et remboursables seulement à ce taux, ne coûtent pas beaucoup plus de 900 fr. et rapportent également 45 fr. ; le bénéfice est de 100 fr.