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L’usure plus ou moins complète des pieux suffit en général pour indiquer si les bourgades dont on reconnaît l’emplacement appartenaient à l’âge du bronze ou à celui de la pierre. Presque tous les pilotis de l’époque la plus ancienne ont été rongés par les eaux jusqu’au ras du sol, tandis que ceux de la deuxième période sont encore saillans d’un ou même de deux mètres. En général, les constructions lacustres ne changèrent point de forme, sans doute parce que les mœurs du peuple étaient restées les mêmes ; cependant M. Troyon signale aussi des cabanes bâties sur des radeaux et des habitations semblables à ces huttes du Bosphore perchées, à des hauteurs diverses, sur de longs pieux obliques et croisés comme les rameaux entrelacés d’un arbre. Quant au choix, des emplacemens, il dénote, dans le deuxième âge aussi bien que dans le premier, une rare sagacité. Les points du rivage situés vis-à-vis des lieux colonisés par ces antiques populations lacustres n’ont pas cessé pour la plupart d’être occupés jusqu’à nos jours par des villes ou par des villages importons. La cité de Zurich recouvre une bourgade lacustre de l’âge de la pierre’ ; pendant l’âge du bronze, on voyait un village sur pilotis à l’endroit où se trouve aujourd’hui Genève.

Une fois en possession du métal, l’industrie devient très supérieure à celle de la période précédente ; mais elle lui ressemble par la forme et la nature de ses produits. La hache est toujours la compagne fidèle du guerrier, et l’artiste emploie toute son adresse à la décorer. À cette arme de combat s’ajoutent de nouveaux instrumens de mort, l’épée de bronze et le casse-tête en pierre ; mais les flèches sont devenues très rares, ce qui prouve qu’au lieu d’engager le combat à distance comme leurs pères, les indigènes s’étaient accoutumés à marcher droit à l’ennemi et à le combattre face à face. Ils n’avaient pas oublié l’usage des projectiles incendiaires. On retrouve également parmi les débris industriels de cet âge des couteaux, des faucilles, des meules à moudre et à aiguiser, des aiguilles, des épingles, des navettes de tisserand, des hameçons, des disques de jeu, des hochets d’enfans, des pendeloques, des ornemens en cristal de roche, des morceaux d’ambre, des colliers en verre et en jais. Les poteries ressemblent à celles de l’âge de la pierre, et sont composées d’une pâte analogue, mélangée le plus souvent avec de petits cailloux siliceux. Cependant l’art du potier a fait des progrès incontestables : la variété des formes est plus grande, et les ornemens sont plus nombreux. Toutes les bourgades de quelque importance avaient leur fabrique de poterie, ce dont il est facile de se convaincre à la vue des échantillons déformés par la cuite qui n’ont pu avoir cours dans le commerce. Il existait aussi