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légères est la bastonnade. C’est le juge qui pourvoit lui-même à l’exécution du jugement. Les kadis et les muphtis sont nommés par le souverain, qui, comme dépositaire du Koran et successeur de Mahomet, réunit les pouvoirs religieux, politiques et judiciaires. Dans les tribus qui n’ont pas de kadis, la justice est rendue par les cheikhs, ou chefs de tribus indépendantes, lesquels sont soumis à l’élection. Le pouvoir n’intervient guère dans les affaires civiles, mais il se fait de la justice répressive un épouvantable instrument de despotisme. Devant le juge criminel, il n’existe ni instruction, ni défense, ni publicité. La vie, l’honneur, la propriété du peuple, tout appartient au souverain, qui en dispose à sa fantaisie ; sous sa main, sous celle de ses agens les plus subalternes est un code qui offre le choix de dix-huit peines des plus variées et des plus cruelles, depuis le pal et la lapidation jusqu’au changhal, ce hideux supplice des crochets dont l’énergique peinture de Decamps n’a pu donner qu’une imparfaite idée.

Les pays les plus fortunés sont incontestablement la Belgique, où nous retrouvons l’image du jury français dans ses meilleurs jours, et l’Angleterre. La justice anglaise repose sur la plus large base, le jury au civil et au criminel. Mérite-t-elle tout le bien ou tout le mal qu’on en a dit ? Quelle est son organisation, quelles sont les attributions dès quatre grandes cours qui siègent à Westminster ? La cour des plaids communs était, dit-on, originairement chargée du jugement des affaires civiles concernant les particuliers. La cour de l’Échiquier, avec le traditionnel tapis à carreaux qui lui a donné son nom, espèce de cour des comptes, était destinée à régler les finances de la couronne et à faire rentrer les revenus du trésor public. La cour du banc de la reine, où siégeait autrefois le souverain (bancum regis), connaissait de tous les crimes et délits, et exerçait son contrôle sur les magistrats, sur les cours inférieures du royaume. Les membres des trois cours réunies formaient et forment encore la chambre de l’Échiquier, à laquelle sont portées en premier appel les décisions de chacune de ces cours ou les affaires d’une importance exceptionnelle. Enfin une quatrième cour, celle de la chancellerie, ayant à sa tête le chancelier, chef de la justice d’Angleterre et garde du sceau royal, était consultée sur les questions relatives à l’exécution des jugemens des autres cours et à la légalité des actes du pouvoir exécutif. Elle était également constituée en cour d’équité destinée à tempérer la rigueur du formalisme imposé par les lois en justice. Telle était, à peu de chose près, la constitution originaire des grandes cours ; mais ces différentes juridictions ont fini par empiéter l’une sur l’autre, et aujourd’hui le jurisconsulte anglais aurait beaucoup de peine à reconnaître leur compétence respective. À cet égard, il manque à ce pays des lois organiques,