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province par l’Ayuntamiento ou conseil municipal, et les fonctionnaires en étaient rigoureusement exclus. Tous les citoyens avaient le droit de réclamer contre la formation de la liste devant la députation provinciale. Une loi du 2 avril 1852 a restreint la compétence du jury, le nombre des jurés, et prescrit le huis clos pour toutes les affaires ; le compte-rendu des débats ne peut être publié sans l’autorisation formelle du gouvernement. L’Espagne n’a donc plus que. l’ombre du jury ; autant vaudrait le tribunal de première instance avec son unique juge, car le magistrat qui préside le jury dispose d’un pouvoir à peu près arbitraire, contre lequel l’opinion publique se trouve désarmée par le silence qui se fait autour de chaque affaire, étouffée avec la liberté de la presse dans un débat sans garantie et sans dignité.

En Allemagne, si tous les états n’ont pas conquis l’institution du jury, il en reste peu (la Saxe est du nombre) qui l’attendent encore ; mais là cette institution semble gênée dans ses allures par le droit pénal, emprunté aux législations du Nord. Le grand mouvement réformiste qui se poursuit dans les états germaniques, sous l’inspiration de jurisconsultes et de légistes distingués, aura bientôt concilié le droit pénal avec l’institution du jury, qu’un procès récent fait à une noble femme victime des calomnies de la domesticité nous a permis de voir fonctionner en Prusse, dans le grand-duché de Bade. La Russie ne connaît point encore cette institution, qui est enfin promise à l’Autriche. Il est temps de laisser aux peuples barbares l’indigne procédure qui met le bâton au nombre des moyens d’information dans ce dernier pays. Un accusé refuse-t-il de répondre, le bâton (art. 363 du code autrichien). Est-il soupçonné de feindre la folie, le bâton (art. 364). Répond-il insolemment, le bâton (art. 365). N’oubliez pas qu’ici l’œuvre de la justice est secrète ; les tribunaux sont fermés au public, et partout les magistrats s’offrent au peuple sous l’aspect d’agens subalternes du pouvoir exécutif.

Est-ce là néanmoins le plus infime degré de l’échelle ? Non. Sans parler de la Russie et de son régime pénal, il faut descendre encore quand on aborde les vastes régions qui composent à elles seules la moitié du monde connu, et où règne, hélas ! le droit musulman. Là, tous les pouvoirs sont confondus ; la justice civile est généralement exercée en premier ressort par les kadis, en appel par les muphtis, auprès desquels se trouve le corps des ulémas, ou jurisconsultes jouant parfois vis-à-vis du souverain le rôle de nos anciens parlemens envers la royauté. Il n’existe aucune règle de procédure ; les parties se donnent rendez-vous devant le juge, qui trouve un moyen fort simple de les faire venir à l’audience par l’application de diverses peines, au nombre desquelles une des plus