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à désigner au moins le quart des jurés portés sur la liste générale, qui ne pouvait comprendre moins de huit cents noms, et en plaçant sous la surveillance des citoyens les inscriptions sur les listes. Il retira au président des assises le droit qu’il tenait depuis 1808 de former lui-même la liste de jugement, et voulut que cette liste sortît d’un tirage au sort opéré par les soins du premier président de chaque cour sur la liste transmise par le préfet. Après la révolution de 1848, la liste des jurés était d’abord préparée par les maires de chaque commune et arrêtée au chef-lieu de canton par une commission composée du juge de paix et de délégués des conseils municipaux. Cette commission était présidée par le membre du conseil-général représentant le canton. Des modifications ont été bientôt apportées à l’institution du jury et à la confection des listes. En 1852, des décrets rendus pendant la suspension des grands corps de l’état ont déféré aux tribunaux correctionnels la connaissance de tous les délits et de toutes les contraventions en matière de presse. En 1853, une loi a supprimé dans la composition du jury la liste électorale qui lui avait servi de base sous les précédens gouvernemens. L’extension donnée à cette liste par le suffrage universel motiva cette mesure. Les jurés sont aujourd’hui choisis parmi les citoyens âgés de trente ans qui jouissent de leurs droits civils et politiques.

La loi nouvelle a fait disparaître des commissions chargées de préparer les listes l’élément représentatif qu’elles contenaient. Les listes sont dressées pour chaque canton par les maires et le juge de paix, pour chaque arrondissement par les juges de paix de la circonscription et le sous-préfet, et elles sont définitivement arrêtées pour chaque département par le préfet. M. le ministre d’état expliquait qu’il avait paru nécessaire d’effacer de cette liste la couleur politique qu’elle avait toujours eue, et de faire de cette espèce de magistrature une fonction. Le mot ne heurte-t-il pas les idées en cette matière ? N’est-ce qu’une mauvaise locution ? Pourquoi l’avoir introduite dans la loi ? Mais, en supprimant la liste électorale et en laissant la composition de la liste du jury a des commissions qui ne relèvent en rien des électeurs, le législateur n’a peut-être pas remarqué qu’il ramenait les choses au point où elles étaient en 1808. Nous ne voulons pas dire que les agens ou fonctionnaires désignés par la loi feront nécessairement de mauvais choix ; nous disons seulement qu’ils feront seuls les listes, et qu’en principe, loin d’être un fonctionnaire relevant du pouvoir exécutif, le juré est le délégué du pays ou plutôt le pays lui-même. C’est pour cela qu’un droit de surveillance était réservé aux citoyens sur la composition des listes, et qu’ils étaient admis à réclamer des inscriptions ou des radiations devant certains tribunaux. Le corps législatif