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Tamaris et Pasquali, au versant de la colline, près du rivage. Sacrifie-moi encore quelques jours pour m’installer, et compte que si ta réponse n’y fait pas obstacle, ton vieux ami philosophera et radotera avec toi d’aujourd’hui en huit. »

Une heure après la lecture de cette lettre, j’étais à Tamaris. La marquise était à la promenade : je résolus de l’attendre, et j’allai examiner la maison Caire, que je n’avais vue encore qu’extérieurement. C’était un palazzetto génois assez élégant, et la fontaine avec ses eaux jaillissantes, les escaliers du perron tapissés d’une belle plante exotique, le jardin en terrasse bordé d’une étrange balustrade de niches arrondies, la serre chaude assez vaste, le petit bois de lauriers formant une voûte épaisse au-dessus du courant supérieur de la source, la prairie bien abritée par la colline du fort, le bois de pins et de liéges descendant jusqu’au pied de la colline même, une ferme à deux pas, qui touchait l’enclos de Tamaris et qui communiquait avec le jardin par une allée de beaux platanes garnie de rigoles à eaux courantes, tout était agréable et bien disposé pour les courtes promenades pédestres de mon vieux ami. Je m’informai auprès de fermiers fort bourrus : la maison était inhabitée, on pouvait la visiter et la louer en tout ou en partie. Je vis les appartemens, qui me parurent sains et assez confortables. Je demandai le prix, et avant de rien conclure je retournai à Tamaris. Madame n’était pas rentrée.

— Elle ne tardera guère, me dit le petit Nicolas en s’avançant sur la terrasse, et tenez ! la voilà qui revient !

Je ne voyais sur la rive que des pêcheurs et des douaniers.

— Elle n’est pas là ! dit Nicolas : regardez donc du côté de Saint-Mandrier, là-bas, en mer ! Elle a été voir le jardin botanique avec le petit et M. Pasquali, dans le canot au lieutenant La Florade.

— Et le lieutenant…

— Et le lieutenant aussi ; voyez !

Je regardai à la longue-vue dressée sur la terrasse, — c’est le meuble indispensable de toutes les habitations côtières, — et je distinguai La Florade assis sur son manteau étalé à la poupe de l’embarcation. Paul était debout entre ses jambes, la marquise à sa droite, Pasquali à sa gauche, la bonne auprès de sa maîtresse, et les douze rameurs, assis deux à deux vis-à-vis de ce groupe, enlevaient légèrement le canot, qui filait comme une mouette.

Je quittai brusquement Nicolas et la longue-vue, et je descendis à la noria située dans le rocher au revers du côté maritime. C’était comme une petite cave profonde à ciel ouvert, tapissée de lierre et de plantes grasses rampantes à grandes fleurs blanches et roses. Là, bien seul, je maîtrisai mon mal. La Florade s’était introduit dans l’intimité de la marquise. Certes il l’aimait déjà… Avais-je