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un excès que l’opinion et l’histoire jugeront. Nous nous contenterons, quant à nous, de constater un fait : cette obstination met la France à l’aise et doit tourner à l’avantage de l’Italie. C’est aux Italiens qu’il appartient d’en tirer profit. Il n’y a plus maintenant que leurs divisions intestines, la faiblesse du pouvoir de Turin, sa négligence à organiser le pays et à lui donner une assiette régulière, qui puissent prolonger à Rome le séjour des troupes françaises. Il dépend du roi Victor-Emmanuel, usant de sa popularité et de son énergie pour assurer la pacification et le bon ordre des provinces italiennes, d’avancer rapidement l’évacuation de Rome par nos troupes. Que les Italiens y songent : ne voient-ils pas la France se ramasser dans sa vie intérieure et se consacrer au règlement de ses finances ? Qu’ont-ils de mieux à faire que de l’imiter ? En se livrant aux travaux d’organisation intérieure, ils n’accroîtront pas seulement leurs ressources et leurs forces : ils accompliront pacifiquement la plus haute des conquêtes après lesquelles ils aspirent. e. forcade.


L’EXPÉDITION DU MEXIQUE.

Depuis un demi-siècle ou à peu près que les républiques hispano-américaines sont nées, elles vivent dans les convulsions ; elles comptent les années par les révolutions, et en vérité il n’y a de progrès pour elles que dans l’anarchie. Engagées dans la guerre de l’indépendance des 1810, définitivement maîtresses d’elles-mêmes en 1824 par la retraite de l’Espagne, reconnues depuis par toutes les puissances, disposant des régions les plus fertiles du globe, de toutes les richesses vierges d’un continent inexploré, elles n’ont su ni fonder leur existence politique, ni même se borner à laisser le commerce et l’industrie prendre leur essor naturel, ni garantir aux étrangers accourus dans le Nouveau-Monde la sécurité due à leur travail. À l’exception du Chili, qui a échappé à demi à cette vie d’orages, ce ne sont pas, à proprement parler, des sociétés. organisées : ce sont de vastes cadres où s’agite une population relativement encore imperceptible, composée d’élémens rebelles et incohérens, où des ombres de partis entrent en lutte pour se disputer une ombre de pouvoir, dont ils usent, à tour de rôle despotiquement, capricieusement. Les relations de ces républiques avec l’Europe, au lieu d’être un frein pour elles et de servir à leur accroissement par une assimilation intelligente de toutes les ressources de la civilisation, sont devenues une source d’embarras qui ont eu un double résultat de toute façon également désastreux, en contraignant les puissances du vieux monde à intervenir incessamment pour la protection de leurs intérêts, et en développant dans ces contrées, sous la pression importune de ces interventions, un sentiment d’animosité contre les étrangers qui s’est manifesté plus d’une