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l’encombrement ; mais dans les années calamiteuses où l’importation sera un besoin général, les plus bas prix se trouveront probablement sur le marché le plus libre. En 1859, on a remarqué à Londres un léger abaissement dans le prix de la viande de boucherie. Le bœuf vendu sur les marchés de Leadenhall et Newgate, par morceaux de 8 livres anglaises, est revenu en moyenne à 1 franc 16 centimes le kilo pour l’ordinaire, et à 1 franc 42 centimes pour le premier choix. Les cours moyens ont été, pour le mouton, de 1 franc 27 centimes par kilo à 1 franc 54 centimes, suivant les catégories. Les pommes de terre se sont vendues 111 francs par tonne, soit 11 centimes le kilo. Ces prix paraîtront assez bas aux Parisiens. Je ne parle pas du poisson : l’Angleterre, favorisée à cet égard, a su élever la pêche à la hauteur d’une grande industrie. Chose étrange, quoique le trésor britannique prélève encore plus de 180 millions de francs sur le malt, le houblon et les licences de vendeur, la consommation de la bière diminue dans les trois royaumes ; elle est bien inférieure à ce qu’elle était il y a trente ans malgré l’accroissement énorme de la population. Cela tient sans doute à ce que l’usage des boissons chaudes s’est généralisé, ce qui est un avantage pour la décence publique, un signe d’aisance chez le peuple et un large profit pour le fisc. La consommation du thé, presque doublée depuis 1830, s’élève aujourd’hui à 32 millions de kilogrammes. L’emploi annuel du sucre raffiné correspond à 14 kilogrammes par tête. Avant les dégrèvemens récemment opérés, on n’atteignait pas encore chez nous 5 kilogrammes.

Les loyers d’habitation sont généralement moins chers en Angleterre qu’en France : cela tient à la constitution de la propriété. Le fonds étant inaliénable, les constructions ont été faites en vertu de baux emphytéotiques, de sorte qu’à l’expiration des contrats, les familles féodales sont entrées en possession des immeubles qu’elles n’avaient point bâtis. C’est ainsi qu’une superficie considérable, qui donne aujourd’hui un des plus beaux quartiers de Londres, le West-End, est devenue la propriété du marquis de Westminster, ou que des villes presque entières appartiennent à des lords, comme Exeter à lord Robert Cecil. Sans m’aveugler sur les mauvais côtés de cet arrangement, je constate qu’il a eu pour effet de maintenir les loyers à des prix très bas comparativement à ce que nous subissons à Paris. Le grand seigneur anglais, sans rapports personnels avec ses locataires, ne connaissant parfois de ses maisons de ville que la rente transmise par son intendant, toujours disposé à donner aux baux une durée aussi longue que le locataire le désire, ne ressemble en rien à ces propriétaires qui gouvernent leurs immeubles dans l’incessante préoccupation d’en augmenter les revenus. L’excès du