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Les deux dernières années de la période quinquennale, sur lesquelles nous n’aurons des détails que dans deux ans, paraissent avoir été beaucoup plus favorables. D’après les résultats généraux du recensement, les années 1860 et 1861 ont dû présenter une augmentation annuelle de 212,000 âmes, ce qui nous relève au niveau des temps qui ont précédé la révolution de février. Si on applique le bénéfice des deux dernières années à la période totale (1857-61), nous trouvons en moyenne que la France a gagné un habitant de plus sur 270. Qu’on jette un coup d’œil sur le tableau consacré à l’Angleterre, on y verra que l’accroissement depuis dix ans est de 1 sur 88.

Bien qu’atténués par le document récemment publié, les rapprochemens provoqués par les deux tableaux qui précèdent sont inquiétans pour nous : l’avouer est un devoir pénible, mais c’est un devoir, et ce mot dit tout. On a allégué, à propos des périodes récentes, que des fléaux exceptionnels, la guerre, la disette, le choléra, ont compromis le développement naturel de la population française. L’Angleterre aussi a combattu en Crimée ; comme nous, elle a laissé des cadavres par milliers à l’entour de Sébastopol ; elle a payé les blés aussi cher que nous en 1854 et 1855, et comme nous encore elle a souffert du choléra. Les gens pour qui la richesse inépuisable de la France devient un article de foi insinuent que les mouvemens de population sont subordonnés chez nous à certaines dispositions morales qu’on apporte en entrant en ménage, et il semblerait, à les en croire, que tout Français a médité sur les recommandations de Malthus. N’est-ce pas déplacer la question et présenter l’effet pour la cause ? Les mariages sont aussi nombreux en France que dans la plupart des autres pays, et le sentiment de la tendresse paternelle y touche souvent à l’exaltation. D’où viendrait donc cette crainte de voir augmenter le nombre des enfans, si ce n’était que dans chaque famille on ressent la gêne sous les apparences du luxe, que les parens, fatigués de la lutte contre les difficultés de l’existence, voyant toutes choses enchérir et. les carrières lucratives s’encombrer, sont dominés par une vague inquiétude en pensant à l’avenir des enfans ?

Ne cherchons donc pas à nous faire illusion. Si le ralentissement dans la fécondité nationale se prononce de plus en plus, cela tient à ce que tout mal s’aggrave à moins qu’on n’y remédie. La cause réside dans les vices de notre régime économique : notre langueur provient de toutes les fautes commises, de toutes les erreurs triomphantes chez nous depuis les premiers jours du siècle. Les Anglais ne s’y sont pas trompés. Un observateur ordinairement impartial et judicieux écrivait à propos des derniers recensemens : « Permettez-moi de signaler à l’attention de vos lecteurs un phénomène des plus