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nuit qu’il y arriva, et que les maisons de ce pays sont fort combustibles, il est vrai que rien ne s’est sauvé de ce qui était dedans, chevaux, vaches, et, à ce qu’on dit, assez de paysans, femmes et petits-enfans. » Mais à contempler « d’assez jolis petits tas de Hollandais consumés par les flammes, » il n’y aurait pas eu assez de plaisir sans l’assaisonnement de quelques petits profits. M. de Luxembourg ne se contentait pas, bien entendu, de lever contribution pour le compte du roi sur les riches marchands d’Amsterdam, en menaçant de brûler les maisons qu’ils possédaient aux environs d’Utrecht ; il prétendait par la même occasion satisfaire son goût pour les chinoiseries. « Il ne se fera rien avec aucun de ces messieurs, écrivait-il à Louvois, que je n’aie quelque chose qui vienne des Indes, je vous le dis franchement ; mais si j’en avais quelqu’une galante, croyez-vous que ce fût pour moi ? Non, je vous assure, ce serait pour mon roi, et vous pourriez bien en avoir quelque guenille. Voilà tous mes projets de volerie. »

L’intendant Robert, son digne collaborateur en vexations, ne parlait pas avec moins d’esprit et d’agrément de « toutes les cruautés qu’il faisait pour tirer un peu d’argent » aux malheureux bourgeois d’Utrecht. Voici ce qu’il écrivait au secrétaire de la guerre le 14 février 1673 : « Pour vous faire concevoir la misère qui est dans le peuple de cette ville et l’effet qu’y produit la violence avec laquelle nous levons la taxe, je vous dirai que l’on est accablé, aux portes de la ville, de gens qui veulent s’en aller… Je suis présentement après à pousser un peu violemment, et peut-être pas trop justement, deux des plus notables et des plus riches de cette ville. L’un s’appelle M. Wulst, qui est un des états de cette ville, chez qui j’ai trouvé environ deux douzaines de méchans sièges qui étaient à une personne retirée en Hollande, par où il tombait dans le cas de l’amende du quadruple, puisqu’il ne les avait pas déclarés ; mais comme lesdits sièges, à les bien estimer, ne valent que vingt sols tout au plus la pièce, l’amende n’aurait dû être que de cent livres. Cependant, au lieu de cent livres, je lui ai demandé une amende de six mille florins, sans avoir de fort bonnes raisons à lui dire pourquoi je lui demande une amende si forte, sinon parce que je prétends que lesdits sièges étaient dans une maison où l’on a fait rompre les scellés que j’y avais fait mettre. Voilà le prétexte dont je me sers ; mais la raison que j’ai dans le fond, c’est que j’ai été très bien informé que, dans l’assemblée des états, personne n’a jamais été plus contre les intérêts du roi que lui, et j’ai cru que vous ne trouveriez pas mauvais que je me servisse de ce petit prétexte, que j’ai cherché avec bien de la peine, pour lui donner cette mortification qui profitera de six mille florins au roi, et qui donne de la