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meilleur parti possible ; mais les distances sont trop grandes pour que l’administration centrale puisse faire sentir son action dans toutes les parties de l’empire ; les agens et les gardes, privés de tout contrôle, commettent impunément les plus grandes malversations, et, faute d’une surveillance suffisante, des forêts entières disparaissent sous la hache du moujick. Le corps forestier est organisé militairement ; il est commande par un lieutenant-général qui a sous ses ordres des colonels, des capitaines, des lieutenans, etc. Une école forestière est établie à Saint-Pétersbourg ; c’est un magnifique bâtiment, où les élèves sont casernes, enrégimentés, et où ils apprennent à faire l’exercice. Ce n’est qu’après avoir acquis ce premier degré d’instruction qu’ils entrent à l’école d’application de Lisinsck. Celle-ci a dans ses dépendances une forêt modèle, exploitée d’après les principes de la science, et une usine où sont réunies toutes les industries qui emploient et débitent le bois dans toute l’étendue de l’empire russe. Il existe encore d’autres écoles à Orenbourg, à Mittau, à Moscou et à Grodno ; mais elles ne sont destinées qu’à former des agens subalternes. Le gouvernement fait tous ses efforts pour introduire un peu d’ordre dans un service dont il comprend toute l’importance ; chaque année, il envoie en France et en Allemagne un certain nombre d’agens pour y étudier l’organisation administrative. Aussi la Russie peut-elle trouver un jour dans l’exploitation régulière de ses forêts des ressources inépuisables ; mais il faut avant tout que la réforme sociale, qui n’est encore qu’à l’état de crise, s’accomplisse ; sinon, les réformes partielles ne peuvent aboutir qu’à des déceptions.

De la Russie à la Suisse, la distance est grande, moins encore sous le rapport géographique que sous celui des institutions. Tandis que dans la première la centralisation est absolue et fait d’autant plus de mal que ce pays s’y prête moins à cause de son étendue, elle est nulle dans la seconde, où elle eût présenté beaucoup moins d’inconvéniens. En Suisse, chaque canton est souverain, chacun a un code forestier spécial, chacun une administration particulière pour régir les forêts qu’il possède. Cette administration se compose le plus souvent d’une direction centrale ou commission des forêts, siégeant au chef-lieu et présidée par un membre du conseil d’état, et d’agens du service actif, comprenant des inspecteurs-généraux, des inspecteurs d’arrondissement et de simples gardes. Ces derniers sont nommés par la commission des forêts sur la présentation des inspecteurs ; quant à ceux-ci, ils sont nommés par le conseil d’état, après avoir subi un examen qui porte sur la botanique, les mathématiques élémentaires, le lever des plans, la minéralogie, la culture et l’aménagement des forêts. Les élèves sortant de l’école polytechnique