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entièrement soustraites à l’action administrative, et celles des communes furent laissées le plus souvent à la merci des municipalités, qui, dans leur empressement de jouir, détruisirent en quelques mois les richesses accumulées par les années. Quant aux forêts de l’état, malgré la loi du 23 août 1790, qui les déclarait inaliénables, une grande partie fut vendue avec les autres biens nationaux[1].

Cette situation dura dix ans. En 1801, le premier consul établit l’administration sur de nouvelles bases et supprima les anciennes dénominations. Il créa 5 administrateurs, 30 conservateurs, 200 inspecteurs, 300 sous-inspecteurs, 500 gardes-généraux, 8,000 gardes et arpenteurs. Il n’en fallut pas davantage pour mettre un peu d’ordre dans le service, car des l’année suivante les forêts rapportèrent 30 millions, et la pêche, mise en adjudication sur les fleuves et rivières, devint elle-même une source de revenus. Depuis lors l’administration forestière continua d’éprouver le contre-coup de toutes les agitations politiques du pays. Sous l’empire, on recruta dans l’armée une partie des agens, qui apportèrent dans leurs fonctions les habitudes de la vie des camps. La plupart d’ailleurs, dépourvus d’instruction, n’étaient pas à la hauteur de leur nouvelle position. Aussi ne faut-il pas s’étonner qu’à ce moment les forêts aient été gérées avec une grande incurie. Lors des désastres de l’invasion, ce furent encore les forêts qui eurent le plus à souffrir. Outre les dégâts qu’y commirent les armées étrangères, elles durent, par des aliénations successives, faire face aux frais d’occupation. Un moment même, en 1817, par mesure d’économie, l’administration des forêts fut supprimée et réunie à celle des domaines. On reconnut bientôt ce que cette organisation avait de vicieux, et des 1820 on sépara ces deux services, qui n’avaient absolument rien de commun.

Comme on avait encore sous les yeux le mal causé par l’ignorance et l’incapacité des agens de l’empire, on créa en 1824, à Nancy, sur le modèle de celles qui existaient en Allemagne, une école forestière destinée à fournir des hommes spéciaux, connaissant

  1. De Perthuis, dans son Traité d’aménagement, évalue ainsi les pertes faites par le trésor public depuis le commencement de la révolution jusqu’au consulat :
    1° Cinq cent mille arpens de bois aliénés à 400 fr, l’un 200,000,000 fr.
    2° Diminution sur le revenu des bois de l’état par suite des coupes trop répétées qui en ont fait baisser le prix 10,000,000
    3° Six millions d’arbres épars sur les routes. 120,000,000
    Total 330,000,000 fr.
    Sur quoi le trésor n’a touché que 60,000,000
    La perte est donc de 264,000,000 fr.