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commun. Un respect religieux les défendait contre les déprédations, et des lois fort sévères punissaient ceux qui y commettaient des dégâts, Elles ne passèrent à l’état de propriété privée que sous les monarques francs, et cette transformation ne s’opéra que peu à peu[1]. Certaines forêts, d’abord mises en réserve et affectées aux plaisirs du roi et de ses officiers, furent peuplées de bêtes fauves qu’il était défendu de détruire. Les seigneurs imitèrent les rois et firent pour des bois moins importans ce que ceux-ci avaient fait pour les massifs boisés les plus considérables, puis ils arrivèrent à se les approprier en faisant valoir une sorte d’usurpation, de possession de long titre. Le droit de chasse étant devenu ainsi une sorte d’apanage de la seigneurie, on s’explique pourquoi les forêts dépendaient presque toujours d’un domaine et ne constituaient jamais par elles-mêmes le fonds principal. Il arriva même souvent que les seigneurs ne furent propriétaires qu’à titre féodal, c’est-à-dire que la jouissance des forêts leur était abandonnée, mais que la propriété en restait au pouvoir souverain. Plus tard se constituèrent les bois ecclésiastiques, quand les monastères furent enrichis par la générosité des princes. Ces concessions toutefois ne portèrent que sur des bois de peu d’importance, et les grandes masses demeurèrent toujours propriété royale.

Cette transformation dans l’état de la propriété forestière nécessita la création d’une administration spéciale, dont le but primitif était la conservation du gibier et du poisson. La régie des forêts, objet de plusieurs capitulaires de Charlemagne et de Louis le Débonnaire, fut confiée à des officiers appelés forestarii, soumis eux-mêmes au contrôle des inspecteurs-généraux, ou missi dominici. Les forestarii avaient pour les assister des vicarii, et deux louvetiers ou luparii, chargés spécialement de la destruction des loups. Cette organisation fut modifiée en 1219 par Philippe-Auguste, qui rendit une ordonnance connue sous le nom d’ordonnance de Gisors, par laquelle il fixait les attributions des gardes et les règles à suivre pour la vente des bois. Plusieurs édits furent également rendus par Philippe le Long et Philippe le Bel ; mais l’administration des eaux et forêts ne fut complètement organisée qu’en 1346, par Philippe de Valois, qui lui conféra non-seulement la surveillance des forêts proprement dites, mais comprit dans ses attributions tout ce qui concernait la navigation et le régime des eaux. L’ordonnance rendue par ce prince nomme dix maîtres des eaux et forêts, désigne le siège de leur résidence et règle leurs gages à 10 sols par jour, outre 100 livres par an et 40 sols tournois de vacation pour chaque journée

  1. Voyez l’Histoire des Forêts de la Gaule, Par M. A. Maury.