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Le 10, la grande remontrance, bien qu’elle ne fût pas encore imprimée et publiée officiellement, produisit un premier résultat. Les députés et les lords, à leur arrivée au parlement, ne furent pas peu surpris d’y trouver une garde qu’ils n’avaient point mandée. Elle se composait de deux cents hallebardiers, envoyés par le sheriff sur un ordre du lord keeper et chargés d’empêcher une manifestation publique en faveur des communes. Il s’agissait d’une pétition monstre contre le vote politique accordé aux évêques, laquelle devait être apportée par une population tout entière, Le premier soin des communes fut de faire comparaître quelques-uns de ces soldats et le bailli du duché de Lancastre. Informées par eux de la filière hiérarchique par laquelle l’ordre avait passé, elles n’hésitèrent pas à voter qu’il y avait là « violation du privilège parlementaire. » Les hallebardiers furent congédiés immédiatement, et le sous-sheriff qui avait signé le warrant en vertu duquel ils avaient marché fut dès le lendemain envoyé à la Tour. Ce jour-là même (11 décembre), la pétition de la Cité arriva, portée, non par dix mille citoyens, comme on l’avait annoncé, mais par douze notables. Elle avait pour principal objet d’arrêter Charles Ier sur la pente fatale où on le voyait entraîné, en dissipant les illusions que son entrée triomphale, au retour d’Ecosse, avait pu lui faire concevoir. On voulait qu’il comprît bien la situation et ne pût se méprendre sur les vraies dispositions de la Cité, qui n’avait nullement déserté la cause populaire. La pétition mesurait vingt-quatre yards de long et portait environ quinze mille signatures. Encore, dirent les notables qui l’apportaient, en eût-on rassemblé plusieurs milliers en sus sans les obstacles que le lord-maire et certains autres s’étaient hâtés d’apporter à la collecte des adhésions.

Le 14 décembre, un essai de coup d’état vint précipiter le dénoûment. Charles Ier, arrivé à l’improviste dans la chambre haute, mande par-devant lui les délégués des communes, et, apportant fort mal à propos son intervention royale dans le conflit élevé entre les deux chambres au sujet du bill d’impressment[1], leur déclare qu’il acceptera cette mesure, « si elle est adoptée avec réserve de sa prérogative. » Ceci pouvait passer pour une concession ; mais les communes

  1. Les lords ne voulaient pas reconnaître au parlement le droit royal de lever des troupes. Pym, tout aussi résolu vis-à-vis d’eux que vis-à-vis du roi, se plaignit hautement de ces résistances à une mesure devenue inévitable. Il demanda (3 décembre) la formation d’un comité pour réviser les bills adoptés par les communes et rejetés par les lords. « Si ceux-ci s’obstinent, disait-il, portons la question devant le roi, lorsque la déclaration aura montré au peuple où sont les véritables obstacles. Nous souffrirons notre part des malheurs qu’on pourra occasionner ainsi, mais non du crime qu’on aura commis, non du déshonneur qui doit y être attaché. »