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d’avertir immédiatement les communes qu’elles eussent « à ne pas publier la déclaration avant d’avoir reçu la réponse de sa majesté. » La publication de la remontrance effrayait singulièrement le monarque. Il comprenait que c’était là une vraie déclaration de guerre.

Pour en amortir l’effet, ses nouveaux conseillers, Hyde en tête, venaient d’imaginer une nouvelle tactique, dont l’incident Palmer et les coups de fusil tirés par ordre de Dorset leur avaient suggéré l’idée. Ils prenaient désormais pour mot d’ordre : « Le parlement. n’est pas libre. » Il y avait là, selon eux, une majorité fidèle, mais opprimée par les factieux. Les pétitionnaires du 29 novembre, si rudement malmenés par Dorset, furent transformés en apprentis de la Cité venus avec des épées et des bâtons « pour contraindre le vote des représentans, » et Dorset avait eu mille fois raison de faire charger cette canaille ! Même dans l’enceinte de la chambre, ajoutait-on, certains membres avaient voulu violenter les votes de leurs collègues. Sommé de faire connaître ces membres, le dénonciateur royaliste (sir John Strangways) désigna le capitaine Ven, un des députés de Londres, à qui la chambre ne voulut pas même permettre de répondre, et Pym cloua le calomniateur à sa place par une simple question adressée au speaker : « En essayant vainement d’établir le complot dont il s’était vanté de connaître les auteurs, l’honorable préopinant n’aurait-il pas démontré en revanche l’existence d’une conspiration tramée par certains membres de l’assemblée pour accuser de trahison tels ou tels de leurs collègues ? » Et de fait, à ce moment-là même, comme on le vit bien un mois plus tard, tel était le plan du monarque et de ses champions.

Chaque jour de retard mettait les communes en péril plus pressant. Les complots militaires s’étendaient, et parmi les agitateurs étaient des officiers du plus haut grade, quelques-uns membres de la chambre. Il importait de frapper ceux-ci pour effrayer les autres. Tel est le sens de la mesure proposée le 6 décembre et votée le 9, qui privait de leurs sièges, pour misprision of treason[1], quatre députés appartenant à l’armée (Wilmot, Ashburnham, et deux autres moins connus). Le lendemain, Haselrig proposait un bill en vertu duquel la chambre placerait tout l’état militaire du royaume sous les ordres d’un lord-général et d’un grand-amiral dont les noms resteraient provisoirement en blanc. La minorité royaliste bondit sous ce nouveau coup ; malgré ses résistances, la première lecture du bill fut votée par 158 voix contre 125.

  1. Vieux terme de droit, signifiant la non-révélation d’une trahison connue. Misprision, de notre mot mépris, est là pour négligence, oubli de son devoir.