Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/581

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

intentions de son maître, montra bientôt comment il entendait protéger le parlement. Il fit dès le 29 novembre, jour de son installation, tirer sur des citoyens qui apportaient une pétition, et par ses ordres ils furent chargés à coups de pique dans la cour des requêtes. Le lendemain, Pym, Hampden et Denzil Hollis se présentaient aux lords, comme messagers des communes, pour demander qu’on renvoyât d’un commun accord la force armée si dérisoirement accordée par le roi. L’ordre fut donné en même temps à deux députés d’aller requérir le grand-constable de Westminster de remplacer par une bonne et forte garde celle dont on refusait ainsi les services. Le même jour, la pétition qui devait accompagner la remontrance présentée au roi fut remise à douze commissaires chargés de cette solennelle démarche. Pym était l’un d’eux ; mais il eut le tact d’effacer lui-même son nom de la liste, où figuraient bon nombre des partisans du roi. Celui-là même qui fut spécialement investi du soin de porter la parole était ce hardi partisan si connu depuis, parmi les cavaliers engagés dans la guerre civile, sous le nom de « Hopton de l’Ouest. » Son rapport, présenté le 2 décembre aux communes, nous fait assister à l’audience royale qui eut lieu dans le château de Hampton-Court. Sir Ralph Hopton s’était agenouillé pour lire la pétition, mais le roi le contraignit de se relever, puis il écouta religieusement. Arrivé au passage où l’on accusait certains malveillans de vouloir changer la religion établie : « Le diable emporte quiconque nourrit pareil dessein[1] ! » interrompit Charles. Ailleurs on lui demandait d’appliquer aux nécessités publiques les biens qu’on aurait confisqués sur les rebelles d’Irlande, « Ne vendons pas la peau de l’ours avant que l’ours ne soit mort ! » reprit encore sa majesté. Puis, la lecture finie, Charles voulut entamer une conversation familière, et se permit quelques questions sur les documens qu’on venait de lui remettre ; mais il avait affaire à gens très exacts sur les formes, et, tout royaliste que fût Hopton, il sut fort bien répondre qu’il n’avait pas mission de traiter verbalement un pareil sujet. « Voyons, reprit le roi, parlons-en comme simples particuliers : comptez-vous publier ceci ? — Nous n’avons pas à répondre. — Moi non plus alors, reprit le monarque ; je prendrai mon temps pour cela… » Puis il raconta qu’il avait laissé l’Ecosse pacifiée et satisfaite, que, par suite de son séjour à Edimbourg, peut-être un peu prolongé, il avait débarrassé l’Angleterre de l’armée (écossaise), qui, sans lui, ne s’en serait pas allée de sitôt. Enfin, leur donnant sa main à baiser, il les congédia ; mais, comme ils quittaient le palais, un messager royal les rejoignit à la porte, leur prescrivant

  1. « Devil take him, whomsoever he be, that hath a design to change our religion ! »