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a-t-il dit, doit tout préférer, même la défaite, même l’invasion étrangère, au mépris de ses sujets. » En se retirant, les députés publient leur première remontrance. Le roi ordonne de la brûler, et répond par une déclaration. La guerre de presse est engagée. Celle-là coûte peu ; mais l’autre, comment la fera-t-on sans argent ?

Là est le problème que le progrès des temps semble avoir fait disparaître. Aujourd’hui l’impôt se paie à toute puissance disposant des baïonnettes. Le contribuable, devenu sage, acquitte la taxe par habitude, comme chose allant de soi, sans s’inquiéter ni d’où elle vient ni où elle va. Le refus de l’impôt, la plus simple, la plus légale et la plus forte garantie de liberté, est frappé chez nous d’un discrédit absolu. C’est une utopie, un rêve, une chimère. Cette utopie a pourtant suffi aux défenseurs de la constitution anglaise. On a pu croire un moment que cette chimère allait imposer à l’Autriche le respect des traités en vertu desquels la Hongrie revendique son existence nationale, et cette espérance d’hier n’est pas encore absolument détruite aujourd’hui.

Charles Ier, une fois son parlement dispersé, se vit réduit à vivre d’expédiens, la plupart honteux, presque tous entachés d’illégalité. Il aliénait à vil prix les revenus futurs des domaines de la couronne, multipliait les amendes pour délits religieux, expédiait surtout des sceaux privés (on sait ce que c’était), et les coffres restaient vides. Il fallut en venir à l’emprunt forcé. Le clergé eut ordre de seconder cette belle opération de finances, le roi s’engageant d’ailleurs à rembourser « jusqu’au dernier liard » les sommes que lui confieraient ses affectionnés sujets. Quant aux autres, on les signalait, on les traquait. Les riches allaient en prison, les pauvres allaient à l’armée. « Payez de votre corps si vous ne pouvez de votre bourse ! » leur disait-on sans cérémonie ; mais tout cela ne menait pas au but, et après la vaine entreprise en faveur des assiégés de La Rochelle (autre tentative pour rendre Buckingham populaire), l’échiquier étant à sec, il fallut convoquer encore une fois les députés du pays. Charles aurait bien voulu éloigné de lui ce calice. Il essaya d’obtenir des subsides en promettant le parlement, comme le parlement naguère essayait d’obtenir des réformes en promettant les subsides. Il essaya aussi de lever des taxes illégales ; cette fois le pays s’émut : les juges eux-mêmes protestèrent. Charles recula encore. Ses velléités de tyrannie avortaient toujours. Il manquait de sang-froid : il n’était pas flegmatique.

« Je hais (abominate) des parlemens jusqu’à leur nom… Les parlemens sont comme les chats ; en vieillissant, leur humeur s’aigrit. » Ainsi s’exprimait Charles dans l’intimité du conseil privé. Les communes, elles, n’en disaient pas si long ; mais leurs actes manifestaient