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cher enfant. Il me semble, à moi, qu’il guérit ; mais j’ai tant peur de me tromper !

L’enfant avait huit ans. Il était bien constitué, quoique frêle, et tous les organes fonctionnaient assez bien. Je demandai quel âge avait son père. — Il était vieux, à ce qu’il paraît, répondit sans façon M. Pasquali. N’est-ce pas, madame Martin, vous m’avez dit qu’il était plus âgé que moi ?

L’âge du père constaté, la débile structure de l’enfant me parut un fait organique dont il fallait tenir grand compte. Aucune lésion ne s’étant produite, on pouvait, avec des prévisions et des soins bien entendus, compter sur un développement à peu près normal. — Ne songez qu’à le fortifier, dis-je à la mère ; ne le mettez pas trop dans du coton. Puisque l’air vif et salin de cette région lui convient, c’est la preuve qu’il a plus de vitalité qu’il n’en montre. Il vivra à sa manière, mais il vivra, c’est-à-dire qu’il aura souvent de petits accidens qui vous affecteront, mais il les secouera par une force nerveuse propre aux tempéramens excitables, et peut-être sera-t-il mieux trempé qu’un colosse. C’est ici le pays des corps secs, actifs, cuits et recuits par les excès de température et mus par des esprits ardens et tenaces. Votre fils se trouve donc là dans son milieu naturel. Restez-y, si vous pouvez.

— Oh ! s’écria-t-elle, je peux tout ce qu’il lui faut, je ne peux que cela ! Merci, docteur, vous avez dit absolument comme notre médecin de Toulon, et vous m’avez fait grand bien. Vous n’êtes pas du midi, je le vois à votre accent ; mais êtes-vous fixé près d’ici ? Vous reverra-t-on ?

M. Pasquali lui expliqua ma situation, et lui dit à l’oreille un mot qu’elle comprit en me tendant la main avec grâce et en me disant encore d’une voix attendrie : — Merci, docteur ! Revenez me voir quand vous reviendrez chez mon voisin.

Cela signifiait : « Je sais qu’il ne faut pas vous offrir d’argent ; alors va pour une gratitude qui ne pèsera pas à un cœur comme le mien ! »

— Quelle adorable femme ! dis-je à mon guide quand nous nous fûmes éloignés ; mais d’où sort-elle, et comment ne fait-elle pas émeute à Toulon quand elle passe ?

— C’est qu’elle ne passe pas ; elle ne se promène que dans les endroits où personne ne va. Elle ne voit et ne connaît, ni ne veut, je crois, connaître personne. Quant à vous apprendre d’où elle est, elle m’a dit qu’elle était née en Bretagne, et que son nom de demoiselle commençait par Ker, mais j’ai oublié la fin. Elle est veuve d’un vieux mari, comme vous savez, et elle l’est depuis peu, je crois. Elle ne parle jamais de lui, d’où on peut conclure qu’elle n’a