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question était posée, et la teneur des réclamations anglaises, et la décision. finale arrêtée par le président et le secrétaire d’état. Les craintes outrées de l’Europe ont reçu le démenti non-seulement le plus heureux, mais le plus éclatant. Il y a évidemment autre chose à relever dans ce démenti que la singularité du contraste entre nos appréhensions et la réalité ; il ressort de cet étrange phénomène des enseignemens dont nous pouvons faire notre profit immédiat.

Sans doute une des principales causes de la méprise que l’Europe vient de commettre à l’égard des États-Unis est la longueur des distances et la lenteur des communications d’une rive à l’autre de l’Atlantique. Si cette grande entreprise de la réunion des deux continens par un câble électrique eût atteint le succès auquel elle parut toucher un instant, si les informations eussent pu s’échanger en quelques heures entre Londres et Washington, bien des angoisses, de faux jugemens et des pertes matérielles eussent été épargnés à l’Europe depuis la fin de novembre ; mais les distances ne sont point le seul obstacle qui en cette circonstance ait égaré l’opinion européenne. Ce qui le prouve, c’est le peu de compte que l’on a voulu tenir en Angleterre de l’importante dépêche adressée le 30 novembre par M. Seward à M. Adams. Nous connaissons aujourd’hui la conclusion de cet important document. M. Seward y parlait de l’arrestation de MM. Mason et Slidell comme d’un incident imprévu qui devait être abordé par les deux gouvernemens dans un esprit amical. Lord Lyons ne s’était point encore expliqué à ce sujet, et M. Seward de son côté ne croyait pas qu’il fût prudent de fournir des explications au ministre américain à Londres ; il lui paraissait plus convenable que la question fût ouverte à Washington même par le gouvernement britannique ; mais avant tout il jugeait utile de faire savoir que le capitaine Wilkes avait agi sans instructions, que par conséquent la question était dégagée des embarras qui l’auraient compliquée, si l’acte du capitaine eût été déterminé par des instructions. M. Seward avait confiance que le gouvernement britannique aborderait ce sujet dans un esprit amical, et il ajoutait que de son côté ce gouvernement pouvait compter sur les meilleures dispositions de la part du cabinet de Washington. — C’est vers le milieu du mois de décembre que cette dépêche parvint à Londres, et qu’il en fut donné connaissance à lord Palmerston et au comte Russell.

Nous le demandons, si les termes de cette déclaration de M. Seward eussent pu être soumis à l’opinion publique, la paix n’eût-elle pas paru certaine, et de pénibles anxiétés n’eussent-elles pas été épargnées aux intérêts compromis par la menace de la guerre ? Il paraît cependant que les ministres anglais ne furent point ébranlés par le langage conciliant de M. Seward ; ceux des journaux qu’ils honorent de leurs confidences s’abandonnèrent plus que jamais à leur fougue belliqueuse, et comme quelque chose avait transpiré de la dépêche américaine, ces journaux ne se servirent de leur autorité que pour démentir la portée que l’on prêtait à la communication de M. Seward. En France même, un petit incident est venu