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jamais formé le hardi dessein d’aller comprendre et juger la grande crise de la société américaine. Dans une de ses lettres plus intimes qui n’ont d’intérêt que pour moi, il me disait : « J’écris mon journal sans me préoccuper d’écrire. Je ne saurais me poser vis-à-vis de toi en esprit fort. Je suis une paire d’yeux et une paire d’oreilles au service des réflexions que tu voudras faire. »

Je crois que la question américaine est assez à jour maintenant, surtout dans la Revue des Deux Mondes, grâce aux excellens travaux qu’elle a publiés, pour que tout lecteur de la Revue soit à même de faire les réflexions que mon fils m’invitait à faire pour mon compte.

Quant à lui, une seule série d’observations a été enregistrée avec certitude, c’est celle des recherches et des rencontres entomologiques. Cette partie technique, j’ai conseillé de ne l’abréger ni dissimuler. Bien qu’elle ait été notée pour mémoire, en vue d’une satisfaction toute personnelle, elle a sa valeur, à cause des localités, pour les naturalistes, et sera aisément passée par les personnes indifférentes à ce genre d’étude.

Quelque délicate que soit la situation d’une mère en pareille circonstance, j’avoue que je ne suis pas embarrassée dans ma modestie, parfaitement sincère et parfaitement partagée. Il suffira, je crois, d’ouvrir ce journal de voyage pour y reconnaître l’absence de toute prétention comme de toute contrainte. Aucun dogmatisme, aucune pose d’aspirant à l’effet, beaucoup de choses vues et senties sous forme d’interrogation naïve et sensée, une promptitude de coup d’œil sobrement exprimée, une gaieté soutenue sans effort, et qui se communique même aux sujets de peu d’importance, voilà, je crois, les mérites d’un travail dont une critique trop sévère eut emporté les qualités avec les défauts.

George Sand.


Janvier 1862, Nohant.
Marseille, 13 mai 1861.

Chère mère, je t’ai promis de noter mes impressions de chaque jour, afin que tu puisses de temps en temps recevoir un gros paquet et voyager très peu rétrospectivement avec moi. Tu ne trouveras donc dans ce journal rien de ce qui peut nous préoccuper personnellement dans nos lettres, rien par conséquent que tu ne puisses communiquer en famille à nos amis.

Je voyagerai avec plus de plaisir et de fruit en me rendant ainsi