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ne diffère que d’une quantité infiniment petite en plus ou en moins se manifestent ? La lumière que nous nommons blanche ne serait donc pas la lumière complète, si l’on pouvait parler ainsi ? Elle aurait perdu quelque chose en venant de son foyer à notre œil, soit dans le soleil même, soit dans l’atmosphère terrestre ? Il est certain que la lumière perd quelques-uns de ses rayons en traversant l’enveloppe aérienne de notre planète. Sir David Brewster l’a fait remarquer le premier : il a montré que de nouvelles raies noires apparaissent dans le spectre solaire, lorsque le soleil approche de l’horizon, parce que les rayons lumineux font plus de chemin dans l’atmosphère avant d’arriver jusqu’à nous. Toutefois ces raies obscures dues au mouvement du soleil doivent être distinguées soigneusement des raies invariables, normales, qui se montrent toujours, quelle que soit la hauteur du soleil dans le ciel. Si les premières s’expliquent par l’absorption atmosphérique, les secondes ne peuvent être dues qu’à une absorption qui s’opère dans le soleil lui-même.

L’explication des raies obscures par une absorption de rayons dans l’atmosphère solaire a été proposée en 1847 par M. A. Mathiessen dans une communication faîte à l’Académie des sciences de Paris. En 1860, MM. Brewster et Gladstone l’ont également adoptée, en présentant un moyen de vérifier cette hypothèse. D’après les deux physiciens anglais, si les raies sont dues à la puissance absorbante de l’atmosphère solaire, qui arrêterait certains rayons lumineux de préférence à d’autres, le spectre devrait être d’autant plus sillonné de bandes obscures qu’il est produit par des rayons lumineux plus rapprochés du bord du disque solaire. C’est admettre que les rayons venus du bord traversent l’atmosphère solaire sur une plus grande longueur que ceux qui émanent du centre. M. Kirchhoff fait observer avec beaucoup de raison qu’il en faudrait ainsi juger, si l’atmosphère du soleil était très mince comparativement au diamètre de cet astre ; mais tout permet de croire qu’elle a au contraire une immense épaisseur, et dans ce cas il peut se faire que deux rayons, partis l’un du bord, l’autre du centre du disque lumineux, y parcourent des chemins à peu près égaux avant d’arriver jusqu’à notre œil. Il ne faut donc point s’attendre à noter de grandes différences entre le spectre obtenu par l’un ou par l’autre de ces rayons. Au reste, l’idée émise par M. Brewster n’a jamais été vérifiée expérimentalement.

Le phénomène des raies restait donc inexpliqué. On n’en eût jamais sans doute pénétré les mystérieuses raisons, si les physiciens n’avaient songé à étudier d’autres spectres que celui de la lumière solaire. Toute flamme peut servir à ce but. On a examiné le