Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/403

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par Charles V aux Rochellois pour avoir secoué le joug de la domination anglaise. Les lois coutumières de l’Aunis et de la Saintonge ne sont pas les mêmes ; la nature des domaines et des propriétés foncières est absolument différente ; nos intérêts de commerce se croisent sur trop d’objets pour que cette rivalité n’influe pas sur les délibérations ; enfin la Saintonge présente une supériorité de population et détendue qui rendrait les habitats du pays d’Aunis victimes de l’infériorité constante des suffrages. Il va sans dire que la réunion sanctionna ces conclusions par son vote[1].


« Quelques jours après, le 9 janvier 1789, le duc de La Rochefoucauld adressait à M. de Saint-Marsault, comte de Châtelaillon, grand-sénéchal d’Aunis, la lettre suivante, qui achève de faire bien connaître la situation des choses[2].

« Quoique je ne sois pas, monsieur, propriétaire dans la sénéchaussée de La Rochelle, comme voisin et comme ayant dû présider une assemblée provinciale dans laquelle l’Aunis était compris, vous trouverez bon, j’espère, que je vous entretienne des intérêts de nos provinces. Un mémoire venu de Guienne à Saintes, par lequel on proposait d’englober la Saintonge dans les états d’Aquitaine, a excité l’attention des divers ordres de la ville de Saintes, qui ont dû s’assembler, avec le projet de demander la conversion de notre assemblée provinciale en états provinciaux, composés de l’Aunis, de la Saintonge, et de tout ou partie de l’Angoumois. Comme il est possible que je sois chargé de porter ce vœu au gouvernement ; il me serait intéressant de connaître à cet égard le vœu de votre province, qui, j’espère, restera toujours unie avec la Saintonge, dont les intérêts sont communs avec elle sur tant de points.

« Comme les états provinciaux, qui vont devenir un régime commun à toute la France, ne seront formés qu’après la tenue des états-généraux, il suffira dans ce moment-ci de présenter au gouvernement un simple vœu pour nos provinces d’en avoir de particuliers ; on pourra profiter de l’assemblée prochaine des différentes sénéchaussées pour s’en occuper plus sérieusement et même en former une dans un lieu dont on conviendrait, composée de députés envoyés par chaque sénéchaussée, et qui seraient chargés de dresser un plan de constitution pour nos futurs états, à présenter au gouvernement et aux états-généraux.

« Dans l’intervalle d’ici à l’époque où cette assemblée pourrait se former, nos provinces auraient l’avantage de connaître les formes différentes que plusieurs parties du royaume dressent actuellement, et de profiter des bonnes idées pour les suivre et des mauvaises pour les éviter. Comme la première base de tous états doit être l’éligibilité de leurs membres, je remettrais avec joie à mes concitoyens la place dont le roi m’avait honoré,

  1. Je tiens ces détails inédits de M. Jourdan, juge d’instruction à La Rochelle, auteur de savantes recherches sur l’histoire de cette ville.
  2. Je dois communication de cette lettre à l’obligeance de M. le comte de Saint-Marsault, petit-fils du grand-sénéchal d’Aunis.