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cordeliers ; elle arrêta, avant de se séparer, que ses bureaux et sa commission intermédiaire continueraient à occuper le même local, et qu’une somme annuelle de 2,400 livres serait payée aux cordeliers pour le loyer de leurs bâtimens. Presque partout les assemblées provinciales, ainsi que les administrations secondaires d’élection ou de département, se logeaient ainsi dans des édifices religieux, devenus trop grands par la réduction du nombre des moines. Quand la révolution est venue affecter violemment à des services publics ceux de ces édifices qu’elle n’a pas démolis, elle n’a fait par la spoliation que ce qui se serait fait à l’amiable dans la mesure de la véritable utilité.

Par la rare activité de son esprit, Thouret avait joué le premier rôle dans l’assemblée provinciale de Haute-Normandie. Au milieu des agitations politiques qui suivirent, son influence ne fit que grandir. Élu par Rouen aux états-généraux, il fut nommé président de l’assemblée nationale au mois d’août 1789, et bientôt après membre du comité de constitution. Quelques hommes ont jeté plus d’éclat par leur éloquence dans cette assemblée fameuse ; il n’en est aucun qui ait pris une part plus effective à ses travaux. C’est lui qui, comme rapporteur du comité de constitution, proposa et fit adopter la nouvelle organisation départementale. Il ne contribua pas moins à la nouvelle organisation judiciaire et à la plupart des autres lois organiques. Un des premiers et des plus ardens à demander la suppression des ordres religieux et la vente des biens du clergé, il fut en même temps de ceux qui travaillèrent à rabaisser outre mesure l’autorité royale. Chargé en 1791 de la révision de l’acte constitutionnel et nommé président pour la quatrième fois, c’est lui qui reçut en cette qualité le serment de Louis XVI, et qui prononça quelques jours après la clôture de l’assemblée, dont il reste la dernière personnification, soit pour le bien, soit pour le mal. Élu président au tribunal de cassation, cette haute dignité attira sur lui la foudre révolutionnaire ; il fut condamné à mort et exécuté le même jour que Malesherbes, le 22 avril 1794, sans qu’on lui laissât le temps de signer ses derniers arrêts. Heureux s’il avait pu employer dans des jours plus calmes ses incontestables talens !


II. — MOYENNE ET BASSE-NORMANDIE.

La généralité d’Alençon, qui prit le nom de Moyenne-Normandie, comprenait le département actuel de l’Orne et une partie de l’Eure et du Calvados. Elle se divisait en neuf élections, qui forment aujourd’hui sept arrondissemens, Alençon, Bernay, Lisieux, Conches,