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anglais, qui avait dépassé 8 millions en 1786, n’atteignit pas tout à fait 18 millions en 1787 ; 9 ou 10 millions de plus, ce n’était pas énorme. La commission continuait ainsi : « Un jugement qui ne serait fondé que sur ces effets généraux, qu’on peut regarder encore comme accidentels, ne paraîtrait-il pas trop superficiel ? La curiosité française a une grande part dans ce prodigieux débit des nouveautés de l’Angleterre. Le préjugé national et l’exagération du patriotisme influent de même sur le discrédit que nos marchandises éprouvent dans les comptoirs anglais. Enfin le découragement précipité de quelques-uns de nos manufacturiers n’est pas une démonstration certaine de la réalité de ses motifs. » La commission ne croyait donc pas qu’il y eût à perdre courage, elle avait au contraire cherché les moyens de soutenir la lutte.

On évaluait à 90 millions de valeur vénale par an le produit total des manufactures dans la généralité ; la fabrication des étoffes de coton en formait à elle seule plus de la moitié. « L’Angleterre, disait le rapport, oppose l’industrie de Manchester à celle de Rouen. Les ateliers de Manchester font une immense fabrication d’étoffes de coton de toutes les espèces. Les échantillons qui y ont été pris paraissent annoncer qu’en général les toiles de coton qui en sortent sont d’une filature plus égale que les nôtres, et cependant la plupart sont à un prix inférieur. En passant du récit des faits à l’examen des causes, on trouve que les Anglais en ont deux certaines et durables de leur supériorité dans les fabriques de coton. L’une est le bas prix du combustible nécessaire à la préparation et aux apprêts de la matière ; le charbon de terre, qui coûte à Rouen de 47 à 50 livres le tonneau pesant deux milliers, ne revient à Manchester qu’à 9 shillings, ou 11 livres 10 sols. L’autre est la grande économie qu’ils font sur les frais de la main-d’œuvre par l’usage de leurs ingénieuses inventions pour accélérer et perfectionner à la fois la filature. Les campagnes de Manchester et toute la province de Lancastre sont remplies de ces grandes machines qui, mues par un courant d’eau ou par une pompe à feu, servent à décarder, à filer, à tisser, à apprêter, à blanchir, et les jennys, petits instrumens par lesquels une femme peut filer jusqu’à quatre-vingts fils, remplacent les rouets dans les villages. Les moyens de conserver aux fabriques de cette généralité la concurrence qui leur échappe sont donc : 1° de s’occuper de la recherche et de l’exploitation des mines de charbon de terre, dont l’existence est indiquée en plusieurs endroits de la province, 2° de diminuer les frais de la main-d’œuvre sur le coton en adoptant l’usage de ces machines qui donnent à l’industrie de nos rivaux un ascendant si ruineux pour la nôtre. Non-seulement il en existe un modèle dans la collection que le gouvernement