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avec son origine et qui amène l’hypocrisie. Il faut démasquer autant que possible toute hypocrisie, toute fausse piété, bref toute menée cléricale qui sert d’instrument à des fins égoïstes. Quant à l’église catholique, ses droits sont consacrés par la constitution ; il ne faut pas tolérer des empiétemens au-delà de ces droits. » On peut se demander à juste titre quelle est la raison d’être en Prusse d’un parti catholique en tant que parti politique. La parité la plus complète existe entre la minorité catholique et l’immense majorité des protestans. Deux archevêchés et six évêchés, de nombreuses églises, sont largement dotés. Facultés de théologie catholique, séminaires, écoles primaires, rien ne manque. Des aumôniers catholiques sont attachés à tous les corps de l’armée. Peu d’articles de la charte prussienne sont exécutés aussi scrupuleusement que ceux qui consacrent l’indépendance de l’église catholique de l’état et la libre communication du clergé avec l’épiscopat et la cour de Rome. Sous ce dernier rapport, le clergé prussien n’a rien à envier à celui des états catholiques par excellence, et cependant chaque année on voit siéger au centre de la chambre basse une cinquantaine d’hommes recommandables, réunis sous le nom de parti catholique, qui votent tantôt avec la gauche, tantôt avec la droite, tantôt s’abstiennent. Personne n’a pu savoir jusqu’à présent quel était au juste l’idéal politique de ces catholiques, s’ils se considèrent réellement au milieu du parlement comme les représentans de leurs coreligionnaires, sans tenir compte de certain article de la charte prussienne où on lit ces mots : « Les membres des deux chambres sont les représentans de toute la nation. » N’oublions pas de rappeler que le parti catholique s’est formé sous le règne de Frédéric-Guillaume IV, c’est-à-dire d’un roi que deux papes, Grégoire XVI et Pie IX, ont salué comme le bienfaiteur de l’église catholique. Il appartient à l’avenir de nous apporter la solution de cette énigme. Dans le présent, le gouvernement de Berlin ne parait guère disposé à concéder plus de terrain à un parti qui ne veut point avouer le but qu’il se propose. Des paroles sévères sont récemment tombées d’une bouche auguste. « J’attends avec confiance, a dit le roi au cardinal de Geissel lors de son couronnement à Kœnigsberg, que le clergé de mon royaume donne à mes sujets catholiques l’exemple de l’obéissance envers l’autorité et du respect de la loi. » Quelques jours plus tard, le roi a fourni le commentaire de cette exhortation en disant : « Il y a trop de monde qui se mêle de la politique ; l’église aussi s’en mêle, et cela ne vaut rien ; il ne faut pas que l’église fasse de la politique ! »

Ces derniers mots s’adressaient spécialement au clergé du grand-duché de Posen, qui dirige de concert avec la noblesse le mouvement polonais-dans cette province. Les Polonais aussi forment un parti dans la chambre de Berlin, ou plutôt ils y siègent comme représentans