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session de 1862. Quant au budget militaire, le parti libéral persista dans son refus de porter le surcroit de dépense sur le chapitre des dépenses ordinaires. Il vota, à titre de crédit extraordinaire, la somme demandée, sauf une réduction de 3 millions de francs que le ministère fut obligé d’accepter. Ce vote eut deux conséquences : il laissait subsister les rapports difficiles qui s’étaient établis entre le ministère et les libéraux modérés, et il amena une scission profonde entre ceux-ci et les libéraux avancés. Ces derniers ne formaient dans la chambre de 1861 qu’une faible fraction : en revanche ils s’appuyaient au dehors sur une immense portion des électeurs.


II

Celui des partis politiques en Prusse qui s’appelle aujourd’hui progressiste (Fortschritts-Partei) et que l’on désigne ordinairement sous le nom de parti démocratique, est une branche du grand parti libéral qui présida, au mouvement national de 1813. La division en deux partis distincts n’eut lieu qu’en 1848, après les journées de mars. Effrayés par les troubles qui affligèrent la capitale et donnèrent une importance passagère à des hommes obscurs, mais turbulens, les libéraux modérés se séparèrent de ceux qui voulaient tirer de la royauté, momentanément vaincue, tout le parti possible. Les radicaux représentèrent alors la démocratie prussienne, démocratie qui a son cachet particulier, car, sauf une minorité insignifiante, dans cette année 1848 où les couronnes s’écroulèrent, les démocrates prussiens voulaient sérieusement la monarchie constitutionnelle entourée d’institutions populaires. Si les deux grandes fractions du libéralisme s’étaient trouvées réunies à Berlin, elles auraient pu s’entendre, et sans aucun doute bien des maux auraient été épargnés à la Prusse. Il n’en fut pas ainsi.

On sait qu’à la suite du bouleversement général de 1848, la diète germanique, sous la pression du vœu populaire, ordonna dans toute la confédération des élections pour l’assemblée nationale allemande convoquée à Francfort. À la même époque, on avait décrété à Berlin des élections pour une assemblée nationale chargée d’élaborer une constitution. Les électeurs prussiens avaient ainsi une double tâche à remplir, et leur embarras n’était pas médiocre, puisqu’il s’agissait non-seulement de trouver les candidats les plus dignes, mais encore de désigner parmi les plus méritans ceux qui iraient à Francfort et ceux qui siégeraient à Berlin. Une anecdote du temps explique assez bien la situation. On raconte qu’un grand nombre de citoyens auraient dit : « A… est un homme savant, envoyons-le à Francfort, car il faut des savans pour rédiger la constitution du nouvel empire germanique ; mais nous avons là B…, homme pratique,