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Gotha, puis, d’après ses chefs parlementaires, parti Simson, et en dernier lieu parti Vincke.

Le parti libéral modéré a joué un rôle considérable dans tous les grands événemens dont la Prusse a été le théâtre depuis la bataille d’Iéna : c’est en effet de cette catastrophe que date en ce pays le soulèvement de l’esprit public contre le parti féodal, à qui l’on fit remonter avec raison la ruine de la monarchie du grand Frédéric. Après avoir accompli en partie les grandes réformes dont les ministres Stein et Hardenberg avaient tracé les jalons, les libéraux arrachèrent au roi Frédéric-Guillaume III en 1813 la promesse d’une représentation nationale : sous l’invocation de cette promesse, ils appelèrent le peuple aux armes contre la domination française. On sait qu’après la victoire les souverains coalisés oublièrent promptement ceux à qui ils devaient leur triomphe. Les libéraux prussiens, chassés du pouvoir, furent persécutés et emprisonnés comme démagogues ; ces démagogues, à qui se joignit après 1830 toute la jeune génération, formèrent un seul et grand parti d’opposition dont le mot d’ordre fut l’exécution des promesses royales de 1813 et 1815. À partir de cette époque, on peut suivre d’étape en étape la marche du parti libéral prussien. C’est lui qui, de 1823 à 1847, dans les diètes provinciales, combat avec une énergie infatigable l’absolutisme bureaucratique et féodal ; c’est lui qui oblige Frédéric-Guillaume IV à descendre sur le terrain de la discussion, c’est-à-dire à céder, qui amène ce prince, en 1847, à convoquer pour la première fois les états-généraux du royaume. Dans cette assemblée s’organise le parti libéral sous la direction des Auerswald, des Hansemann, des Schwerin, des Vincke, des Camphausen ; l’opposition de toutes les provinces du royaume se donne la main pour former une immense ligue depuis Kœnigsberg jusqu’à Trêves. La révolution de 1848 interrompt ce développement pacifique : les libéraux, après être arrivés un moment, comme en 1813, à la direction des affaires, en furent chassés par la démocratie, comme ils en avaient été chassés autrefois par l’aristocratie, ou plutôt ils furent renversés par les deux partis extrêmes. Ils tournèrent pendant un instant leurs armes contre la démocratie, qu’ils jugeaient plus dangereuse que la féodalité pour l’existence de la monarchie constitutionnelle. La réaction les repoussa dès qu’elle fut devenue maîtresse du champ de bataille. Alors, la démocratie ayant pris pour mot d’ordre l’abstention, les libéraux, minorité compacte, mais toujours minorité, furent réduits pendant huit ans à lutter seuls contre les féodaux et les fonctionnaires réunis, dont le ministre de l’intérieur, M. de Westphalen, avait su peupler la seconde chambre. Rien ne fortifie moralement un parti politique comme la lutte prolongée contre un adversaire numériquement supérieur. Les libéraux prussiens traversèrent vaillamment