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moins une importance très réelle. Le prince, on peut lui rendre cette justice, alla au-devant de l’impatience publique en se hâtant de promulguer le programme d’après lequel il comptait diriger les affaires. Un sentiment de piété envers son frère, disait-il le 8 novembre 1858 au nouveau conseil des ministres, l’avait fait hésiter longtemps sur les moyens de ramener beaucoup de choses dans une voie meilleure. Jamais il ne pourrait être question d’une rupture avec le passé ; il s’agissait seulement de porter remède là où l’on apercevait l’arbitraire, où il existait des institutions en désaccord avec les besoins de l’époque. Tenir le milieu entre les extrêmes, exécuter ce qui avait été promis, ne tolérer aucune pression d’en bas, tels étaient les principes proclamés par le régent. Quant aux questions de détail, le prince recommandait notamment la réforme de l’organisation des communes et des provinces, l’amélioration des finances, la liberté des cultes, la réorganisation de l’armée. Il faisait enfin allusion, mais en termes un peu obscurs, au rôle que la Prusse devait remplir en Allemagne. Tel fut le programme autour duquel se groupait, il y a trois ans, le ministère Hohenzollern-Auerswald, et qui excita à un très haut degré l’enthousiasme des populations.

Ce ministère n’a pas rempli toutes ses promesses. On ne peut dire cependant qu’il se soit écarté notablement de cette ligne. Il ne faut pas oublier que le ministère Hohenzollern a substitué l’empire de la loi au régime du bon plaisir administratif, qu’il a fait rentrer la presse dans le droit commun, que les persécutions religieuses ont cessé, que l’émancipation politique des dissidens et des Israélites est aujourd’hui presque complète. Si certaines autres réformes ne sont pas réalisées, c’est qu’elles ont été repoussées par la chambre des seigneurs. « Pourquoi, a-t-on demandé aux ministres, ne mettez-vous pas cette haute chambre elle-même à la réforme ? Elle est une anomalie pour notre siècle et une injure pour notre charte, qui ne connaît point de caste privilégiée. — Soit, répondent les ministres ; mais cette chambre haute existe en vertu d’une ordonnance royale qui ne saurait être rapportée que par une loi, et cette loi a besoin de l’assentiment de ceux qu’elle condamne à disparaître. Il faut du temps pour opérer ce miracle. Nous avons fait le possible. En ajoutant au petit groupe de pairs libéraux une vingtaine de nouveaux pairs, nous avons déjà obtenu dans la chambre haute une minorité avec laquelle la majorité féodale est obligée de compter ; Nous avons fait un pas de plus en réduisant le nombre des candidats à la pairie qui pourront être présentés par les corporations des grands propriétaires seigneuriaux. Le temps et les circonstances devront faire le reste. »

Le ministère revendique encore un autre titre à la reconnaissance