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de besogne. Ces machines ne sont pas construites comme le saw-gin américain qui coupe la fibre ; mais elles retirent au contraire dans toute sa longueur et ajoutent ainsi plus de 25 pour 100 à la valeur, marchande. Les associations cotonnières de Manchester envoient aussi dans l’Hindoustan des presses à coton, des charrues, des bêches et autres instrumens qui peuvent faciliter le travail des indigènes. En même temps le gouvernement indien invite les écrivains du pays à rédiger des traités populaires sur la culture du cotonnier.

Les progrès de la culture et le perfectionnement des procédés de nettoyage importeraient peu, si on n’améliorait pas en même temps les moyens de communication. Pendant longtemps, le gouvernement indien, jouissant en paix de son monopole, entravait de son mieux la construction des routes. Cette même compagnie des Indes, qui interdisait l’immigration des Européens dans son territoire, avait grand soin de fermer les yeux sur l’état des chemins dans son immense empire, craignant sans doute que des communications faciles ne hâtassent l’émancipation du pays. Lorsque les treize premiers milles de chemins de fer furent inaugurés dans l’Hindoustan, il y avait déjà treize ans que le gouvernement en avait accordé la concession : cela faisait un mille par an. La province de Bellary, l’une des plus fertiles et des plus productives de l’empire indien, peuplée de 10 millions d’habitans, ne possédait, il y a dix ans, ni un pont, ni une route carrossable. On franchissait les rivières à gué ou en bateau ; les chemins étaient complètement impraticables pendant la saison des pluies, et les indigènes ne pouvaient transporter leurs produits qu’au moyen de petits chars en bois traînés par des taureaux. Enfin les plus beaux fleuves, ces voies qui marchent gratuitement, étaient systématiquement négligés ; pendant de longues années, la compagnie des Indes refusa une subvention de 500,000 francs absolument nécessaire pour rendre navigable le Godavery, ce fleuve qui dans son cours de 1,300 kilomètres arrose les territoires les plus riches en coton.

Heureusement les choses ont bien changé depuis que l’Inde n’est plus la propriété de trois ou quatre cents riches actionnaires et qu’elle fait partie de l’immense empire britannique. Au commencement de 1861, lorsque l’Angleterre se vit tout à coup menacée par une famine de coton, le gouvernement indien s’empressa de devancer les accusations en s’accusant lui-même ; il avoua sans mauvaise honte que les voies de communication de l’Hindoustan étaient dans le plus mauvais état, et qu’il était impossible de conjurer immédiatement la crise par le transport des cotons de l’intérieur aux villes d’embarquement. Cependant on avait déjà mis la main à de grandes