Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/187

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quant à l’emprunt du coton, il a eu moins de succès encore, et le Richmond Whig, l’un des journaux les plus considérables du sud, a dû avouer que, loin d’avoir produit plus d’un million de balles, comme on s’est plu à le répéter souvent, il n’atteignait pas même la centième partie de ce chiffre : soit qu’ils aient conscience de l’inefficacité de l’emprunt, soit que la guerre les ait déjà tout à fait appauvris, il est certain que les planteurs sont plus généreux de leur personne que de leur coton. Prêts à sacrifier leur vie, ils gardent sagement leurs produits agricoles. Le gouvernement du sud a été plus heureux toutefois dans les efforts qu’il a tentés pour consigner le coton sur les plantations et le mettre ainsi à l’abri d’un coup de main de la part des fédéraux. Les ports du Mississipi ont été, comme ceux de l’Atlantique et du golfe du Mexique, compris dans cette mesure générale. Le président du comité militaire de Memphis a déclaré qu’il n’admettrait dans ses lignes ni balle de coton ni boucaut de tabac, et qu’il renverrait sur les habitations, aux frais des planteurs, toutes ces marchandises de contrebande. De même le gouverneur de la Louisiane a fait prendre à tous les capitaines des bateaux à vapeur et à toutes les administrations des chemins de fer l’engagement formel de ne pas importer une seule balle de coton dans le district militaire de la Nouvelle-Orléans. Les négocians de la ville ont écrit dans le même sens aux planteurs, et les compagnies d’assurance refusent absolument d’assurer le coton, s’il n’est pas consigné dans les habitations. Du 1er au 14 septembre 1861, le port de la Nouvelle-Orléans n’avait reçu que 214 balles, tandis que dans la période correspondante de 1860 les arrivages s’étaient élevés à 57,000 balles. Depuis, la proclamation du gouverneur a mis un terme à tous les envois. Les entrepôts de la Nouvelle-Orléans ne contiennent maintenant que 10,000 balles, c’est-à-dire la seizième partie seulement de ce qu’ils contenaient en 1860 à la même époque. Un seul navire, le Bermuda, a pu obtenir un chargement de 1,800 balles dans un port du sud, en échange d’une cargaison de poudre et de boulets ; mais, pleins d’un respect superstitieux pour leur palladium, les autorités militaires de Charleston ont interdit l’exportation de balles de coton à d’autres navires qui avaient, comme le Bermuda, réussi à forcer le blocus.

Récemment encore, les unionistes espéraient que la conquête d’un port des états confédérés par la flotte du nord suffirait pour établir un courant commercial et faire affluer aussitôt les balles de coton consignées sur les plantations. Les habitans du nord prétendaient que le patriotisme de fraîche date des propriétaires d’esclaves ne résisterait pas à l’amour du gain, et qu’ils s’empresseraient d’échanger leur récolte, longtemps inutile, contre de beaux dollars