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du taux de l’escompte, la situation ne fut pas changée, et que le numéraire continua de baisser et le portefeuille d’augmenter. On ajoute que la situation devait d’autant moins changer qu’il s’agissait d’exporter du numéraire pour payer une denrée de première nécessité qu’on devait se procurer à tout prix, et que la Banque contribuait à renchérir en augmentant le taux de son escompte, ce qui aggravait la crise. Il est tout naturel que l’élévation du taux de l’escompte n’ait pas mis fin immédiatement aux besoins d’argent et restreint tout à coup les opérations commerciales. Les affaires engagées ne s’arrêtent pas ainsi du jour au lendemain ; mais ce qui prouve que la mesure a été efficace, c’est d’abord que la diminution de l’encaisse et l’augmentation du portefeuille ont été beaucoup moindres en octobre qu’elles n’avaient été le mois précédent, et qu’ensuite l’équilibre a fini par se rétablir à peu près complètement, puisque la Banque s’est sentie assez à l’aise pour ramener le 21 novembre le taux de l’escompte à 5 pour 100, où il est aujourd’hui.

En élevant le taux de son escompte, la Banque a sollicité le numéraire qui était dans d’autres mains que les siennes à sortir de sa réserve et à s’employer par l’appât d’une prime plus élevée, ce qui diminuait d’autant les demandes qu’on pouvait lui adresser à elle-même ; puis, et c’est la considération la plus importante, elle a refréné les spéculations un peu aventureuses. Or, dans toute opération commerciale, surtout dans celle qui, en temps de crise, a pour objet des acquisitions de céréales, il y a toujours la part de la spéculation plus ou moins aventureuse, de celle qui achète au-delà des besoins, et qui, après avoir provoqué des hausses exagérées, finit par subir des dépréciations considérables et amener des catastrophes. La preuve en est dans ce qui est arrivé en 1847, où, par suite d’approvisionnemens excessifs, le prix du blé, qui s’était élevé en mai à 37 fr. 98 cent, l’hectolitre, n’était plus au mois d’août suivant qu’à 23 fr. 59 cent, La preuve en est encore dans ce qui se passe en ce moment, où le prix des blés tend à rétrograder, et cependant nous ne sommes qu’à trois mois de la récolte dernière, et le déficit n’est pas comblé. Ce prix rétrograde tout simplement parce que la spéculation qui a pris part aux acquisitions de céréales se trouve trop chargée. À la fin d’octobre 1861, selon le Moniteur, 6,669,000 quintaux métriques de froment, soit 8,336,000 hectolitres, étaient arrivés déjà dans nos entrepôts, c’est-à-dire environ la moitié du déficit tel qu’on l’évalue. Eh bien ! il y a dans ces arrivages précipités, en dehors des besoins du moment, un excès de spéculation, et quand l’élévation subite du taux de l’escompte par la Banque aurait eu pour effet de modérer un peu cette spéculation,