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précédentes, tant en France qu’en Angleterre ; ainsi le chiffre des exportations, qui avait été de 88 millions sterling dans les huit premiers mois de 1860, n’a plus été que de 86 millions sterling pendant la même période en 1861. Le même fait s’accuse en France, où d’après les rapports officiels l’exportation de 1861 ne se soutient pas au niveau de 1860. Par conséquent il n’y avait pas l’apparence d’une crise, il y aurait eu plutôt un excès de capitaux sans emploi.

C’est ainsi qu’ont raisonné les publicistes qui ont blâmé les mesures prises par la Banque à la fin de septembre et au commencement d’octobre. Pourtant, si on avait bien voulu regarder au fond des choses, on aurait trouvé que l’abondance des capitaux n’était peut-être pas telle qu’on la supposait ; ce n’est pas d’après les dépôts faits à la Banque de France et dans les autres établissemens financiers qu’on en peut juger parfaitement. La plupart de ces dépôts forment les comptes courans des banquiers et des maisons de commerce ; ils ont leur emploi, et ne sont pas le moins du monde disponibles, si on veut entendre par ce mot qu’ils sont prêts à entrer dans des opérations commerciales. On a pu même constater souvent que ces dépôts étaient plus considérables en temps de crise qu’en temps ordinaire, par la raison toute simple que dans ces momens-là chacun aime, en vue des éventualités, à avoir ses capitaux disponibles ; loin de vouloir les prêter au commerce, on les en retire plutôt, ainsi que des valeurs de bourse, et on les dépose à la Banque. Par conséquent, celui qui jugerait en temps de crise de l’étendue des ressources disponibles par le chiffre des dépôts en comptes courans risquerait fort de se tromper et de prendre pour disponible ce qui ne l’est pas le moins du monde. On se rend mieux compte de la situation financière d’un pays en comparant l’emploi du capital à ce qu’on peut supposer être les épargnes annuelles, et, pour ne parler que de l’année 1861, sans nous occuper du passé, qui, comme les budgets de l’état, a plutôt laissé du découvert que de l’actif, on trouve que cette année seulement il a été demandé à la place de Paris : par les compagnies de chemins de fer, sous forme d’émission d’obligations, 250 millions ; par l’état, sous forme d’obligations trentenaires et de création de rentes à donner à la caisse de la dotation de l’armée, etc., environ 200 millions.

Si à ces chiffres nous ajoutons divers appels de fonds qui ont été faits pour le compte d’entreprises étrangères et la part que nous avons prise à l’emprunt italien de 500 millions, il ne sera pas téméraire d’évaluer à 1 milliard au moins les prélèvemens qui ont été faits en 1861 sur notre marché de Paris. Or, quelque large qu’on fasse l’épargne, on ne peut pas l’évaluer à ce chiffre d’un milliard