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encore, qu’elle épluche les bordereaux qui lui sont présentés à l’escompte, et qu’elle refuse ceux qui lui paraîtront couvrir une spéculation. C’est là un expédient qui n’est pas aussi simple qu’on l’imagine. Comment reconnaître ces billets de spéculation ? On peut craindre que la partialité ne s’en mêle, et que tel où tel billet ne soit exclu selon les influences qui règnent dans le conseil de la Banque. Une banque privilégiée ne peut pas faire de ces sortes de tris ; elle doit son crédit à tout le monde aux conditions qu’elle impose, et lorsqu’on se présente dans ces conditions, on ne peut être exclu sous prétexte de spéculation. Il n’y a devant la Banque d’autre cause d’indignité que celle qui résulte du défaut de solvabilité ; or ce sont précisément les demandeurs les plus solvables que ce procédé tendrait à exclure.

Quand le capital devient rare par rapport aux besoins, il n’est qu’un moyen d’y remédier : comme la Banque ne peut pas étendre ses ressources au gré des demandeurs, elle doit s’appliquer à diminuer la demande, et elle diminue la demande en élevant le taux de son escompte, d’après ce principe que plus une marchandise est chère, moins elle trouve de consommateurs. — Mais, dit-on, il y a une exception sur ce point : jamais les portefeuilles des banques privilégiées ne sont plus garnis qu’au moment de la hausse du taux de l’escompte ; c’est à ce moment-là surtout qu’ils s’accroissent. Le fait est possible, bien qu’il ne prouve pas ce qu’on suppose. Si les portefeuilles des banques privilégiées sont plus garnis au moment de l’élévation du taux de l’escompte qu’à tout autre, c’est parce que les besoins sont plus grands, l’élévation même du taux de l’escompte en est la preuve, et il est tout simple qu’on s’adresse à la Banque plus qu’à d’autres époques ; En outre la Banque a beau élever le taux de son escompte : comme elle n’est jamais entièrement libre de son action et qu’il y a toujours une pression plus ou moins forte pour retarder le recours aux mesures restrictives, il est probable, ou qu’elle ne l’a pas élevé assez vite, ou qu’elle ne l’a pas élevé suffisamment ; alors son portefeuille augmente encore. Cependant on peut être sûr que l’effet ne tardera pas à se produire, et que les demandes d’escompte se ralentiront pour l’une ou l’autre de ces deux raisons : ou le taux de l’escompte fixé par la Banque sera trop élevé eu égard au cours du marché, alors les escomptes se feront en dehors d’elle avec les capitaux des banquiers, du public, et pendant ce temps la Banque pourra rétablir son équilibre et revenir à l’état normal ; ou le cours fixé par la Banque sera bien le cours du marché, et si ce cours est élevé, il paralysera la spéculation, il empêchera que le capital soit autant demandé. Chacun se tiendra sur la réserve pour ne pas payer de trop gros intérêts,