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d’illusion : cette émission n’augmenterait sans doute que très faiblement la masse de la circulation fiduciaire. Les billets de 50 francs auraient pu être utiles autrefois, lorsqu’on était en présence d’une circulation métallique en argent dont le poids était incommode. Un billet de cette nature, venant remplacer dix de ces pièces de 5 fr. pesant 1/4 de kilogramme, était un avantage, et on comprend qu’il fût accepté du public et restât en circulation ; mais cet avantage a beaucoup diminué, s’il n’a pas complètement disparu, depuis que l’or est devenu l’instrument principal de la circulation métallique. Dans tous les cas, il faudrait bien se garder d’émettre les billets de 50 francs dans les temps de crise, d’abord parce que ce serait montrer quelques inquiétudes sur la possibilité du remboursement et que le public viendrait les demander d’autant plus vite, ensuite parce que, dans ces temps-là, c’est du numéraire qu’on réclame et non des billets. De deux choses l’une : ou la crise a pour cause des différences à solder au dehors, alors le numéraire est la seule monnaie qui passe la frontière et qui soit acceptée des étrangers ; ou elle a simplement pour cause des embarras intérieurs comme en 1857, alors on veut également des espèces, parce que c’est la seule valeur qui ne se déprécie pas en temps de crise, et qui gagne au contraire en proportion de ce que les autres perdent. Vous me dites que votre papier de banque porte d’excellentes signatures et repose sur des produits : cela est possible ; mais on a vu des signatures excellentes faillir, et des produits même d’une consommation assez générale se déprécier tout à coup de 50 pour 100 et plus[1], ce qui fait que, dans les circonstances difficiles, le public ne veut plus que des espèces. Sa disposition est toute différente de celle des faiseurs de systèmes : plus on lui propose du papier, et plus il recherche le numéraire.

Que faire donc lorsque le taux de l’escompte s’élève sur le marché plus haut qu’à la Banque, et que celle-ci peut craindre d’être débordée dans l’emploi de ses ressources disponibles ? Il faut, dit-on

  1. Voici les cours de quelques articles dans la première quinzaine de septembre 1857 et au 1er janvier 1858, au plus fort de la crise :
    Première quinzaine de septembre 1857 1er janvier 1858
    Coton 50 kilog. 124 fr. « c. à 126 fr. « c. 92fr. « c. à 94fr. «
    Sucre 50 kil. 75 à « 50 « à 55 «
    Café 100 kil. 310 à « 260 « à »
    Riz Bengale 50 kil. 13 65 à 18 75c. 6 50 à 7 75
    Huile de colza 100 kil. 125 « à « 85 « à 90 «

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