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direction. Les actionnaires seront peut-être ruinés par cette concurrence, mais l’intérêt public y gagnera. Il n’en est pas ainsi avec le capital, même avec celui dont dispose la Banque de France. Si ce capital est épuisé, et il ne tarde pas à l’être avec le taux de l’escompte au-dessous du cours, quels seront les moyens d’action dont elle dispose pour y suppléer et pour continuer ses opérations ? Ces moyens d’action, c’est l’émission des billets au porteur, c’est l’augmentation des dépôts. Aura-t-elle quelque moyen d’accroître les uns et les autres ? Pas le moins du monde. Elle les verra au contraire diminuer de jour en jour, et plus elle fera d’efforts pour les étendre, plus ils se resserreront. C’est un résultat infaillible. On a souvent, dans les temps de crise, pressé la Banque de France de ne pas se préoccuper de son encaisse et d’étendre davantage sa circulation fiduciaire, qui est, dit-on, suffisamment garantie par les valeurs de commerce qu’elle a reçues en échange de ses billets, valeurs portant les meilleures signatures et reposant sur des produits. Nous verrons tout à l’heure ce que peut devenir cette garantie ; en attendant, nous dirons qu’on conseille à la Banque tout simplement de faire, non pas ce qu’elle ne veut pas, mais ce qu’elle ne peut pas faire. On lui conseille d’émettre un plus grand nombre de billets au porteur ; mais a-t-on un moyen de les faire accepter du public s’il s’y refuse ? Et il s’y refusera d’autant plus qu’il sentira la réserve métallique diminuée et la Banque embarrassée. Le billet qu’il aura reçu à un guichet, il ira immédiatement le changer à un autre. C’est là un fait qui se produit constamment dans les temps de crise. En janvier 1857, avant la crise violente qui devait éclater à la fin de l’année, la circulation fiduciaire de la Banque de France était de 612 millions ; elle n’était plus que de 581 millions au mois de décembre au plus fort de la crise, lorsque la Banque était obligée d’élever le taux de l’escompte à 8 et 10 pour 100, et qu’elle aurait eu tant d’intérêt à se créer des ressources extraordinaires. Dans l’année 1861, qui vient de s’écouler, les choses se sont encore passées de la même manière. Les billets au porteur de la Banque de France, qui, au bilan du mois de janvier, s’élevaient à 779 millions, étaient descendus à 729 au bilan du mois de novembre. Il est donc bien clair qu’on ne peut pas émettre des billets à volonté, et que, tant que la conversion en espèces reste facultative, c’est le public, non la Banque, qui est juge de la quantité qu’il peut en recevoir.

Quel remède propose-t-on ? L’émission des coupures de 50 fr., autorisée par, la loi du 9 juin 1857, qui a renouvelé le privilège de la Banque, et que celle-ci n’a pas trouvé l’occasion d’émettre jusqu’à ce jour. Nous n’avons pas de grandes objections à faire contre rémission des billets de 50 francs ; cependant il ne faut pas se créer