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peu de secrets pour M. Colani : il y plonge un regard d’une sévérité clairvoyante ; il démêle et retrace avec une grande vérité tout ce que les événemens contemporains, tout ce que les mœurs et les idées du siècle ont fait de ce fond éternel de l’âme pécheresse. Je ne crois pas que « personne ait su mieux ; que lui approprier à cet état nouveau des cœurs l’antique morale de l’Évangile, et montrer comment les préceptes et les exemples du livre sacré s’appliquent à des sentimens et à des besoins qui en paraissent au premier abord si éloignés. Comme on voit qu’il n’est pas l’ennemi de son temps, qu’il partage celles des aspirations des sociétés modernes qui sont innocentes ou louables, sa sévérité ne ressemble pas à la mauvaise humeur, son rigorisme n’est pas de la misanthropie. Il comprend tout ce qu’il juge, je dirais presque qu’il partage toutes les faiblesses qu’il nous reproche. Il ne nous parle pas comme un étranger qui se pique de nous persuader sans nous entendre. Trop souvent au pied de la chaire, on croit entendre la voix d’un ennemi qui méconnaît quand il condamne, qui révolte quand il pardonne. Je doute que la lecture des sermons de M. Colani provoque de tels sentimens. Il me paraît avoir trouvé le joint pour réconcilier la morale religieuse avec le siècle, et montrer sous un nouvel aspect celui qui a dit qu’il est la voie, la vérité et la vie. C’est là l’utile et salutaire originalité de cette prédication, et si de pareilles exhortations étaient ici à leur place, je dirais aux dispensateurs de la parole de Dieu que c’est seulement dans la carrière qu’il a ouverte que, cessant d’émouvoir uniquement les imaginations, ils pourront espérer quelquefois de changer les cœurs.

Rentrons ici dans le cercle de notre compétence. Nous avons tâché d’indiquer l’esprit d’une école qui mérite d’être de plus en plus connue. Nous ne lui avons certes pas prodigué les critiques. Il en est une cependant que nous ne pouvons nous empêcher de lui adresser en finissant. On a vu que, bien qu’elle s’en défende par instans, elle fait tout rouler sur une distinction marquée entre la science et la foi. L’une et l’autre ont, je le veux, un fondement historique ; mais l’une est l’impression produite sur le cœur par les réalités de l’histoire, l’autre est la critique de l’histoire même. L’une est un fait tout moral, l’autre est tout entière du ressort de l’intelligence. L’une s’empare de l’âme et la maîtrise, l’autre au contraire, indépendante par essence, ne connaît pas d’autre loi que la sincérité dans l’examen des faits et des preuves, Ainsi, tandis que la foi paraît avoir pour effet de dominer le cœur humain, la science lance l’esprit dans un champ illimité, en sorte que, tandis qu’en exaltant la première ils excitent la piété, les mêmes écrivains, en encourageant la critique, peuvent provoquer l’incrédulité. Je ne suis certes